Arbres sorciers de Sterrebeek 555

Arbres sorciers de Sterrebeek 555

TRADITIONS Traditions et légendes de la Belgique - (09) - Septembre


Septembre
"Shepheardes Calender" de Edmund Spenser (1579)


TRADITIONS ET LÉGENDES DE LA BELGIQUE


Otto von Reinsberg-Düringsfeld 





SEPTEMBRE


Le mois de septembre qui a conservé le nom que lui valut la place qu'il occupait dans le calendrier de Romulus, bien qu'il soit depuis longtemps le neuvième mois de l'année, s'appelle en flamand « herfstmaend » (mois de l'automne), « havermaend » (mois de l'avoine), « gerstmaend » (mois de l'orge) et « pietmaend, speltenmaend » (mois de l'épeautre).

Charlemagne donna à ce mois les noms de « herivistmanoth » (mois de l'automne) et de « widemanoth » (mois de la sarclure). Cette dernière dénomination correspond à celle de « veodmonath, » qui chez les Anglo-Saxons désignait le mois d'août.

Le nom anglo-saxon de « hâlegmonath » mois sacré, se rapporte aux sacrifices qui avaient lieu en ce mois.

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1er septembre.

(Sedum telephium.) Saint Gilles; saint Egide.


Saint-Gilles est très-vénéré en Belgique. Dix-huit églises lui sont consacrées, plusieurs communes portent son nom, et quelques-uns des sanctuaires, qui lui sont dédiés, sont le but de nombreux pèlerinages, les fidèles y affluent de tous côtés pour invoquer l'intercession du saint contre le « cancer » ou « le mal de saint Gilles » [1].

On attribue au jour de sa fête une grande influence sur le temps on prétend que s'il pleut le 1er septembre il pleuvra durant quarante jours [2].

A Anderlecht on célèbre la dédicace de l'église en souvenir de la première consécration du temple.

A plusieurs reprises on avait embelli et agrandi l'église, qui avait été bâtie au commencement du onzième siècle, mais en 1469 le chapitre résolut de la reconstruire entièrement. On mit immédiatement la main à cette grande entreprise et dès le 7 juillet 148 l'église fut consacrée en l'honneur de Dieu, des saints Pierre et Paul et de saint Guidon, quoique la construction ne fût entièrement achevée qu'en 1527 [3].

A Bigard, village près de Bruxelles, dont l'église paroissiale est dédiée à saint Gilles, se faisait le jour de ce saint une procession solennelle [4] à laquelle assistaient ordinairement la gilde « Capelle-Saint-Ulric. »

A Bruges commencent, le jour de « Sint-Gilleken, » les veillées qui ailleurs ne prennent leur commencement qu'à la Saint-Michel, au premier lundi d'octobre, à la Saint-Gal ou à la veille de la Saint-Martin. Le luminaire de l'hiver s'allume pour la première fois et pour ouvrir dignement la longue période de l'année pendant laquelle les ouvriers travaillent à la chandelle, les artisans ou artistes donnent un régal, que l'on appelle « Keersbegieting » arrosement de la chandelle. Autrefois la dame maîtresse donnait à cette occasion un repas, ou l'oie, entourée de lumières (lichtgans), jouait un rôle obligatoire [5]. De nos jours les cabarets regorgent d'ouvriers qui se croient tenus à faire honneur à la dénomination bachique du jour, en lui donnant une acception par trop littérale. Aujourd'hui ce n'est qu'à Ypres, que la « Keersbegieting » donne encore lieu à une cérémonie qui est fort singulière.

On y place, le soir du premier lundi d'octobre, au milieu de la voie publique, une grande chandelle, autour de laquelle circulent en dansant des guirlandes de jeunes garçons et de jeunes filles. Tout en se tenant par la main, les danseurs et les danseuses font des évolutions en tous sens et présentent parfois, à la lumière des chandelles qui éclairent les groupes, les tableaux les plus ravissants.

Le proverbe picard  :

A la Saint-Leu,
La lampe au cleu  (clou).

nous atteste que dans le nord de la France le commencement des veillées est également fixé au 1er septembre.

A Dinant, le jour de Saint-Gilles fut pendant longtemps le jour du renouvellement des vingt-et-un jurés, qui composaient le magistrat; l'élection annuelle se transféra ensuite au 22 janvier et plus tard encore au 8 mars.

A Hamme, près de Termonde, les enfants ont la coutume d'habiller ce jour-là une grande poupée, la munissent d'un petit sac et la promènent solennellement par toutes les rues du village, et s'arrêtent devant chaque maison en demandant l'aumône « pour le pauvre saint Gilles [6]. »

A Termonde on célèbre la fête patronale de l'église paroissiale de Saint-Gilles, fondée par « Machtildis vrouwe van Dendermonde. »

C'était d'abord un hôpital dédié à saint Gilles, il s'y joignit plus tard un couvent de l'ordre de Cîteaux, qui dans la suite fut transféré à Zwyvick, village qui prit dès lors le nom de « Saint-Gilles-lez-Termonde » et fut élevé au rang de paroisse. [7].

Dans la même ville, la gilde de Saint-Gilles ou de l'arc, qui en 1546 se réunit avec le serment de Saint-Sébastien et en adopta le nom, célébrait en ce jour sa fête patronale.

Charles V lui accorda, l'an 1546, de nouveaux priviléges et abolit les anciens [8].

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2 septembre.

(Solidago virgaurea.) Saint Etienne, roi;
saint Lazare; sainte Marguerite de Louvain.


La bienheureuse Marguerite naquit à Louvain vers le commencement du treizième siècle de parents de moyenne condition en fait de fortune, mais riches en vertus, lesquels l'envoyèrent dans sa jeunesse servir chez un certain Amand, leur cousin qui tenait une auberge dans la ville et se faisait un devoir de religion d'y recevoir particulièrement les pauvres pèlerins. Marguerite ne s'acquittait pas seulement avec la plus scrupuleuse fidélité de tous les devoirs de son service, mais se faisait encore un plaisir de témoigner sa charité envers les pèlerins. Ayant fait vœu de chasteté perpétuelle, elle eut un très-grand soin d'éviter tout ce qui aurait pu nuire à sa vertu, ce qui lui fit donner le nom de « Fière-Marguerite » qui lui est resté jusqu'aujourd'hui.

Amand et sa femme s'étant proposé d'embrasser la vie monastique, vendirent tous leurs biens. Aussitôt Marguerite résolut de prendre l'habit de l'ordre de Saint-Bernard; mais quelques scélérats, sachant qu'il y avait dans l'auberge de l'argent provenant des biens qui avaient été vendus, se travestirent en pèlerins, et vinrent demander l'hospitalité pour une nuit seulement. Amand ne pouvant s'empêcher d'exécuter encore cet acte de charité, quoiqu'il eut résolu de se retirer le lendemain au monastère de Villers, leur accorda ce qu'ils demandaient et envoya Marguerite chercher du vin dans une cruche de bois que l'on conserve encore aujourd'hui à Louvain; à peine fût-elle sortie que les scélérats assassinèrent leurs hôtes. Marguerite de retour au logis, fut d'abord assaillie par les assassins et entraînée hors de la ville avec tout ce qu'ils avaient pu piller dans la maison; après avoir partagé leur butin ils délibérèrent sur le sort de la jeune fille. Un des scélérats moins cruel que les autres voulut l'épouser pour lui conserver la vie, mais Marguerite aima mieux périr que de rompre son vœu. On lui coupa la gorge et on jeta son cadavre dans la Dyle le 2 septembre 1225. Mais le corps de la martyre n'alla pas au fond de l'eau et flotta contre le courant de la rivière jusque dans la ville même, accompagné d'une lumière céleste et de chants mélodieux. Le bruit de ce miracle se répandit bientôt dans Louvain; le chapitre de Saint-Pierre, accompagné du duc, de la duchesse, de toute la noblesse et du magistrat vint enlever le précieux dépôt qu'ils transportèrent processionnellement dans la collégiale de Saint-Pierre. On le mit d'abord dans un cercueil de bois qu'on plaça dans une petite chapelle sise en dehors de l'église, derrière le chœur. Mais comme la dévotion envers la sainte augmenta considérablement vers la fin du dix-septième siècle, on voulut satisfaire au désir du peuple, en faisant dorer la châsse et en l'exposant aux yeux des fidèles; c'est pourquoi en 1732 on jugea à propos de fermer l'entrée de la petite chapelle, et on la renferma dans l'enceinte de l'église que l'on perça à cet effet.

Les gens du peuple attaqués de maux d'yeux, vont se laver dans la Dyle, persuadés que ses eaux ont été sanctifiées par sainte Marguerite [9].

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3 septembre.

(Inula dysenterica.) Saint Remacle, patron des villes de Marche, Spa, Stavelot et Verviers, auquel vingt-huit églises sont consacrées; saint Ariste; sainte Reine; sainte Séraphie.


Saint Remacle, qui est considéré comme l'apôtre des Ardennes, appartenait à une noble famille du Berri. Entré jeune dans la vie monastique, il fut d'abord chargé d'administrer l'abbaye de Solignac, que saint Eloi venait d'établir dans un de ses domaines, près de Limoges. Au bout de quelques années Sigebert III, roi d'Austrasie, l'appela à sa cour, et en signe de la haute estime qu'il éprouvait pour le pieux moine, qui n'avait pas encore trente ans, il lui confia l'administration d'un monastère récemment établi par lui à Cugnon. L'élu s'y rendit et il en fut le premier abbé. Pendant les quelques années qu'il séjourna à Cugnon, saint Remacle se construisit, dans le creux d'un rocher, un oratoire où il se rendit fréquemment pour prier. C'est encore aujourd'hui un but de pèlerinage pour les habitants des villages environnants, et il est célèbre par les miracles qu'on dit y avoir été opérés.

Après avoir administré pendant trois ou quatre ans, le monastère de Cugnon, Remacle, dont la réputation de sainteté ne cessait de s'accroître, fut appelé à remplacer saint Amand, sur le siège épiscopal de Tongres. Quelques années plus tard, probablement en 648, Sigebert fonda les abbayes de Malmédy et de Stavelot, et Remacle en fut encore le premier abbé, quoiqu'il n'obtint que vers l'année 660 d'abandonner son siège épiscopal et de se retirer dans son abbaye de Stavelot. Il y donna l'exemple de toutes les vertus chrétiennes et y mourut dans un âge peu avancé, vers l'an 677.

Ses restes mortels y sont conservés dans une châsse ou fierte, œuvre d'orfèvrerie qui paraît remonter au onzième siècle [10].

Parmi les propagateurs de la foi évangélique, il en est peu dont l'existence ait été mieux remplie que celle de Remacle; partout, où ce saint apôtre des Ardennes a passé, son nom s'attache à des localités. Il y a toute une série de légendes et de traditions qui depuis la Semoy où le Saint commença ses travaux apostoliques jusqu'à Stavelot où il termine sa pénible carrière, perpétuent le souvenir du séjour qu'il fit en Ardenne.

C'est d'abord la grotte dans la montagne du Pay, près du village de Cugnon qui porte le nom du Saint. On raconte qu'il y possédait une vache qui allait au pâturage avec la « herde. » L'usage imposait à tous ceux qui avaient une pièce dans le troupeau commun l'obligation de fournir à tour de rôle la « mareinde » ou la pitance du pâtre; le Saint quand venait son tour, se contentait d'attacher sa contribution à la corne de sa vache et l'intelligent animal ne manquait jamais de la remettre à destination [11].

Un rocher près de Cugnon porte également le nom du Saint.

L'oratoire que saint Remacle se construisit sur les bords de la Warchenne devint le monastère de Malmédy. Un autre qu'il érigea à un endroit qui lui fut indiqué comme un repaire ou étable (stabulum) de bêtes fauves, donna naissance à la célèbre abbaye de Stavelot, qui après une existence de plus de onze cents ans fut détruite pendant la révolution française. Le Saint, dit l'illustre Notger, un de ses biographes, conserva à cet oratoire son ancien nom, se proposant de le transformer en une étable de fidèles.

Les « murs du diable » près de Pepinster sont également en rapport avec la vie de saint Remacle.

Le fameux cénobite étant parvenu à extirper les restes du paganisme dans la vallée de Pepinster, le diable en conçut tant de dépit que par une nuit il se mit à l'ouvrage et construisit, avec les cailloux de la rivière, un mur qui, en arrêtant le cours des eaux, devait noyer en partie le marquisat de Franchimont. Les habitants alarmés prièrent saint Hermès, l'un des patrons du chef-lieu, de venir à leur aide. Le saint les exauça et d'un seul mot culbuta le mur, mais dans son centre seulement. Le reste, formant une sorte de rempart des deux côtés de la vallée de Pepinster demeura debout et porte encore de nos jours le nom de « murs du diable » [12].

Le « pas saint Remacle », qui est une empreinte de pied, que l'on attribue à saint Remacle, se montre encore aujourd'hui non-seulement à Spa, mais aussi sur un rocher aux bords de l'Amblève près de Targnon. Celui de Spa est très-célèbre. Les femmes qui n'ont pas d'enfants font une neuvaine et se rendent chaque jour à la fontaine de Groesbeeck, où elles boivent un verre d'eau en posant un pied dans la cavité qui se trouve dans la roche et que l'on prétend être l'empreinte du pied de saint Remacle. Car la légende raconte que le fervent apôtre s'endormit un jour aux environs de Spa en récitant ses prières accoutumées. Pour l'en punir Dieu laissa s'enfoncer un pied du saint dans la roche. Celui-ci se sentit tellement contrit de son péché et l'expia par tant de pénitences que le Tout-Puissant accorda à cette empreinte la vertu miraculeuse de rendre fécondes les femmes stériles [13].

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4 septembre.

(Saponaria officinalis.) Sainte Rosalie; sainte Candide; sainte Ide.


Il n'y a que trois églises consacrées à sainte Rosalie.

Le premier dimanche de septembre, les dentellières de la rue de Schaerbeek, à Bruxelles, ainsi que plusieurs associations d'ouvriers se réunissent annuellement pour offrir un manteau et des cierges à Notre-Dame de Hal. Un corps de musique accompagne la procession jusqu'à l'estaminet qui porte le nom de « la Tête de mouton » et donne une aubade à chaque église devant laquelle passe le cortège. Les ouvriers sont souvent déguisés, les dentellières sont en habits de fête.

A Hal on trouve un repas servi dans une grange, on y passe la nuit et on rentre le lendemain à Bruxelles dans le même ordre. A la « Tête de mouton, » où la musique attend le retour de la procession, on allume des torches et l'on va de là jusqu'à la Grand'Place, où le cortège se dissout.

Le dimanche après la fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste donnait autrefois lieu à la grande et solennelle procession de Notre-Dame-de-la-Fontaine. Cette procession était organisée à Chièvres dans le Hainaut, par la confrérie de Notre-Dame-de-la-Fontaine « de la Chandelle, »  érigée dans la chapelle même de la Fontaine. Cette confrérie à laquelle le pape Grégoire XIII accorda, le 20 avril 1581, de nombreuses indulgences, se composait de « sept bandes savoir  : de gens d'église, de laboureurs, viniers, bouchers, tanneurs, drapiers et toiliers. » Tous les ans l'une de ces bandes était tenue à tour de rôle de présider à cette procession. Quatre confrères jurés députés choisissaient un roi. Celui-ci orné d'une couronne, d'un sceptre et d'une robe magnifique, ayant à ses côtés six autres confrères vêtus avec le même luxe et suivi de toute sa bande, devait marcher à la tête du cortège [14].

A Hal, on célèbre la kermesse le premier dimanche de septembre.

Les députations, envoyées par les confréries de Notre-Dame de Hal érigées à Bruxelles, à Ath, à Condé, à Namur, à Crépin, à Quiévrain, à Braine-le-Château, à Guissignies et à Santen arrivent dès le samedi soir, celles de la grande gilde de Bruxelles et de la confrérie érigée en 1699 à Saint-Nicolas, au pays de Waes, le dimanche matin, celle de Braine-L'Alleud, de Bellingen, Pepingen, Lerbeek et d'autres paroisses, dans l'octave de la Nativité de Notre-Dame.

Le clergé et les membres du magistrat de la ville allaient autrefois au-devant de chacune de ces députations, pour la saluer et l'accompagner à l'église où l'on disait quelques prières et où l'on chantait des vêpres.

Le lendemain chaque députation faisait célébrer une messe, et offrait à l'image de la Vierge une robe ou une somme d'argent équivalente. De son côté la ville lui servait un régal.

La confrérie de Valenciennes, érigée en 1421, offrait annuellement une robe précieuse et un cierge de cinq ou six livres, orné d'un  écusson à l'image de Notre-Dame et aux armes de Valenciennes.

Dans la procession solennelle qui a lieu le jour de la kermesse, la statue miraculeuse fait le tour de toute la ville et des faubourgs; les membres des différentes députations ont le privilège de la porter tour-à-tour [15].

La kermesse de Louvain avait lieu le même jour. On fait remonter l'origine de cette kermesse à la victoire remportée en 895, sur les Normands, victoire à laquelle on attribue également la fondation de la ville. On célébrait par des fêtes pompeuses l'extermination des barbares, et c'est au jour anniversaire de la bataille que la cavalcade « ommegang, » si célèbre pendant le moyen âge, faisait le tour de la ville. Ajoutée à la procession en 1490, elle fut accompagnée du vénérable.

Voici les détails de cette procession tels M. Piot les donne dans son excellente Histoire de la ville de Louvain  :

1. Un char de triomphe sur lequel se trouvait la Pucelle de Louvain accompagnée de dix jeunes filles représentant les dix métiers primitifs de la ville. Ce char était entouré d'une cavalcade.

2. Les métiers avec leurs enseignes ou « keersen [16]; » chaque métier était précédé de son concierge « knaep » tenant une verge rouge en main. Les métiers marchaient dans l'ordre suivant: les maréchaux, les maçons, les charpentiers, les bouchers, les poissonniers, les tanneurs, les cordonniers, les savetiers, les meuniers, les boulangers, les brasseurs, les couvreurs de tuiles, les tonneliers, les cordiers, les tailleurs, les chaussetiers « kousmakers, » le grand métier, les tondeurs de draps « droogscheerders, » les fripiers, les merciers, les corroyeurs, les marchands en graisse « vettewariers, » plus tard « vetpotten, » les couvreurs en paille, les jardiniers, les marchands de vin « wyntaverniers, » et en dernier lieu les barbiers.

3. Saint Michel avec le diable. Le diable avait la tête verte surmontée d'une paire de cornes; aux reins il avait des grelots qu'il agitait continuellement.

4. Un second char de triomphe sur lequel était Adam et Eve chassés du Paradis par un ange.

Suivaient les personnages les plus marquants de la Bible, pour autant qu'ils eussent quelque rapport avec la Vierge. Chaque métier avait ses personnages à costumer  : c'est ainsi que les bouchers devaient habiller  :

5. Sara, épouse d'Abraham. C'était une vieille femme assise, ayant trois pains blancs dans la main gauche. De l'autre main elle tenait un écrit. Près d'elle marchait Abraham, tenant d'une main une épée et de l'autre un écrit. A sa droite se trouvait Isaac, son fils, portant une botte de bois. Après ces deux personnages arrivaient deux domestiques conduisant un âne équipé. Devant Sara marchait une égyptienne nommée Agar, portant sur ses épaules du pain et de l'eau; dans la main droite elle tenait un écrit. Du même côté marchait un ange avec un écrit, de l'autre son jeune fils Ismaël [17].

6. Les vanniers « meerslieden » avaient pour leur compte les personnages suivants  : Rebecca, épouse d'Isaac, assise sur un chameau et parée comme une jeune fille. D'une main elle tenait une cruche à eau en argent, de l'autre un écrit.  Après Rebecca venait sa nourrice, accompagnée de trois ou quatre jeunes filles, portant des vases d'argent et des ustensiles de ménage [18].

7. Les tailleurs devaient costumer Léa, épouse de Jacob. C'était une femme horrible, aux yeux chassieux; elle portait des melons. Derrière elle marchaient ses six fils Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar et Zabulon, et sa fille unique Dina. Celle-ci était suivie de Zilpha, portant dans ses bras Gad et Azar [19].

8. Les cordonniers avaient pour leur part la belle Rachel, femme de Jacob, tenant en main une idole; venaient ensuite ses deux fils Joseph et Benjamin, suivis de la servante Bilha, conduisant ses deux enfants Dan et Nephthali [20].

9. Thamar, la bru de Juda armée d'un bâton auquel était suspendue une bague en or. Venait ensuite un berger portant une brebis sur le dos. Il avait sur le front un écrit et en portait un second dans la main. Six campagnards, hommes et femmes, le suivaient portant également chacun un écrit. Ces personnages étaient équipés par les bouchers qui vendaient de la viande de mouton [21].

10. Les chaussettiers costumaient Asenath, épouse de Joseph. Elle était vêtue à l'égyptienne, comme une demoiselle de bon ton; ses deux enfants Manasses et Ephraïm la suivaient [22].

11. Marie, sœur de Moïse et prophétesse, qui jouait du tambourin. A sa suite venaient un grand nombre de femmes juives battant également du tambour. C'étaient les couvreurs en tuiles qui costumaient ces personnages bruyants [23].

12. Therlies, femme de Moïse. C'était une négresse costumée en reine, ayant en main une bague garnie de pierreries. Elle était suivie de quelques nègres et négresses, ses domestiques [24]. Ce groupe était à la charge des poissonniers [25].

13. Séphora épouse de Moïse, devant elle se trouvait un petit enfant nu, couché sur un coussin; elle le circoncisait au moyen d'une paire de ciseaux. Tout près se trouvait une épée nue, et derrière elle se tenait Moïse portant les deux tables des dix commandements et une verge. A ses côtés marchait un enfant nommé Gerson, suivi de cinq ou six autres enfants [26]. Ils étaient habillés par les barbiers.

14. Raäl (Rahal), la cabaretière et femme de Salomon, tenant d'une main un écheveau de fil de soie et de l'autre un paquet d'étoupes; elle était suivie de deux hommes représentant les espions de Jéricho porteurs d'écriteaux; suivaient quatre hommes armés, dont le chef portait un écrit [27]. C'étaient les boulangers qui étaient chargés d'équiper ces personnages.

15. Axa (Housa) montée sur un mulet, bien vêtue et ayant en main une fontaine et un écrit; elle était accompagnée de Caleph (Calep), son père et d'un jeune homme armé et portant un écrit. Suivaient deux domestiques [28]. C'étaient les épiciers (vetpotten) qui avaient la charge de ces costumes.

16. Le grand métier avait pour son compte: Débora, femme de Lappidoth; habillée en prophétesse, elle portait d'une main un livre et de l'autre un sceptre. De la selle du cheval qu'elle montait, sortait un palmier qui ombrageait sa tête. Des veuves, des orphelins et autres personnes la suivaient en lui adressant des pétitions [29].

17. Les maréchaux habillaient Jahel, épouse d'Aber (Heber); d'une main elle tenait un long clou bien aigu et de l'autre un marteau et un écrit. Près d'elle marchait le capitaine Sisera (Sisara) tout armé; un clou lui perçait la tête. Il était suivi de six hommes armés [30].

18. De la part des meuniers  : Thèbes richement costumée, portant en main une pièce de meule, près d'elle s'avançait le roi Abimelech, ayant également sur son casque une pièce de meule ensanglantée. A ses côtés marchait un archer portant une épée ensanglantée qu'il dirigeait vers la gorge du roi; ils portaient tous deux des écrits.  A la suite du roi venaient ses pages avec des hommes d'armes [31].

19. De la part des savetiers: la femme de Manuë (Manoah) richement habillée, à sa droite marchait un ange, à sa gauche son époux. Chacun de ces personnages portait un écrit [32].

20. De la part des tisserands  : Noëmi (Nahomi), veuve d'Elimelech (Elimélec), assise dans une attitude de tristesse; plusieurs femmes et domestiques la suivaient avec des écrits [33].

21. De la part des couvreurs en paille  : Ruth assise comme une femme qui va partir pour la récolte, un chapeau de paille sur la tête et un écrit en main; près d'elle Booz avec un écrit, des moissonneurs avec leurs faucilles les suivaient; derrière ces personnages on voyait des servantes allant à la récolte et portant des sangles de paille de seigle [34].

22. De la part des fripiers  : Anne, mère de Samuel, décemment costumée, levant les yeux au ciel; elle portait un écrit. Près d'elle marchait une méchante femme Phenenna (Péninna) accompagnée de ses enfants et lui reprochant avec amertume sa stérilité. C'était un personnage très-bruyant. Derrière Anne marchait son mari Helcana (Elkana) qui la consolait [35].

23. De la part des charpentiers: Michal (Mical, fille de Saül) [36], couronnée en reine et portant sur ses genoux un mannequin doré, dont la tête était couverte d'une peau de chèvre; elle portait un écrit; venait ensuite son père Saül, puis un homme équipé comme le maïeur et suivi de plusieurs domestiques et gendarmes [37].

24. De la part des tanneurs  : Abigail, épouse de Nabal, le personnage habillé avec une certaine recherche, montait un âne et portait un écrit; devant elle marchaient quatre ou cinq ânes chargés de pains, de viande, de pois, de fèves et autres légumes. Cinq jeunes servantes portant des comestibles la suivaient [38].

25. De la part des teinturiers ou «verwers » [39]  : une femme de Téma (Tékah la Tékohite) assise tristement avec un écrit. Derrière elle venait le grand-capitaine Joah tenant un écrit et suivi de quatre de ses parents [40].

26. De la part des brasseurs  : une femme de la ville d'Abel portant une tête tranchée et la présentait à Joah avec un écrit; elle était suivie d'un guerrier accompagné de plusieurs gens armés, tenant des écrits [41].

27. De la part des jardiniers: Bethsabée (Bath-Sébah), épouse de David et mère de Salomon, suivie du gentilhomme Adonius, richement vêtu et portant un écrit [42].

28. De la part des maçons  : Abisag, la Sunamite, épouse de David, suivie de cinq ou six messagers de ce roi portant des sceptres [43].

29. De la part des charpentiers  : la veuve de Sarepta; cette femme pauvrement habillée était assise et tenait en main deux bois en forme de croix avec un écrit; elle était suivie des deux prophètes Jonas, portant en main une baleine, et Élisée Tisbite tenant un écrit [44].

30. De la part des tonneliers la veuve du prophète Abdias, ayant sur les genoux un tonneau qu'elle remplissait d'huile; derrière elle ses deux fils, tenant chacun un tonneau et suivis de plusieurs femmes, leurs voisines [45].

31. De la part des foulons  : la femme de Sunem portant sur les genoux un enfant mort. Elle était suivie de Giëzi (Guhéazi) tenant horizontalement dans la main un bâton avec lequel il tâchait de ressusciter l'enfant. Derrière ce personnage venait Élisée portant d'une main un pot à eau et de l'autre un écrit. Il était suivi de cinq garçons, dont le premier tenait une hache, le second un pot avec des herbes rustiques, le troisième de la farine, le quatrième un bouclier sur lequel se trouvaient vingt pains, et le cinquième une salière [46].

32. De la part des marchands de vin: la fille d'Astruges (Astyages) couronnée et vêtue en reine. Une branche de vigne sortant de son corps s'élevait jusqu'au dessus de sa tête. Elle était suivie d'un roi avec son fils Astruges, roi de Perse, entouré de savants. Ces derniers, ainsi que le roi, portaient des écrits [47].

33. De la part des passementiers « borduerwerkers » Sara, costumée en fiancée et portant deux bourses. Devant elle marchaient deux pèlerins, dont le premier, ayant des ailes comme un ange, portait un poisson; le second conduisait un chien et portait un écrit, Derrière Sara venaient des domestiques et des servantes conduisant des vaches, des cochons, des brebis, des chèvres, etc. [48].

34. De la part des peintres la belle Suzanne, femme de Joachim assise et se tordant les mains de désespoir; elle avait un écrit. Deux suivantes la précédaient; la première portait une bouteille d'eau de rose, l'autre une botte d'épiceries. Elles étaient suivies des deux juges Sedechias et Achas, dont l'un portait un écrit, l'autre une pierre pour lapider Suzanne, entourée de prêtres. Autour de ce groupe couraient des juifs pour lapider la condamnée. Ensuite venait le prophète Daniël, puis Joachim et Helchias avec des femmes, portant tous des écrits [49].

35. De la part des vitriers Aune, épouse du vieux Tobie, portant sur les genoux un rouet à filer. Derrière elle, le vieil aveugle Tobie, conduit par un jeune homme, et portant un écrit.

36. De la part des tondeurs  :  Judith, tenant d'une main une épée et de l'autre la tête d'Holopherne; à côté d'elle marchait sa suivante Abra et à sa suite le prêtre Joachim avec d'autres prêtres. Puis s'avançait Ozias, prince du peuple d'Israël, suivi d'Achior. Des hommes et des femmes du peuple fermaient le groupe. Tous ces personnages, à l'exception de Judith et de la suivante, portaient des écrits [50].

37. De la part des corroyeurs « tissche-makers »: la belle Esther, épouse d'Assuérus, habillée en reine, deux demoiselles portaient la queue de sa robe. Venait ensuite le vieux Mardochée, montrant à Esther une lettre. Tous deux portaient un écrit. Derrière lui venaient des femmes en pleurs [51].

38. De la part des ouvriers en marquetterie « legwerkers »  : la mère des sept Machabées, ornée d'une couronne et tenant en main un écrit. Elle était suivie de ses sept fils et de leurs bourreaux [52].

Le reste du cortége n'était plus à la charge des métiers.

39. Un char de triomphe représentant la verge de Jessé ou l'arbre généalogique de la Vierge Marie.
40. Un char de triomphe sur lequel était représentée l'annonciation de la Vierge.
41. Un char de triomphe figurant l'étable de Bethléem avec la naissance du Christ.
42. Les trois Mages, assis chacun sur un chameau.
43. Sept grands chameaux montés par des enfants.
44. Un char de triomphe représentant l'ascension du Christ.
45. Un char de triomphe représentant la descente du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte.
46. Un char de triomphe représentant l'assomption de la Vierge.
47. Un char de triomphe en forme de tour représentant le chœur des anges.
48. L'ordre des Capucins.
49. Les Carmes.
50. Les Augustins.
51. Les frères Mineurs.
52. Les Dominicains.
53. Les moines de l'abbaye de Sainte-Gertrude.
54. Ceux de l'abbaye de Parc.

55. Ceux de l'abbaye de Vlierbeek; chacune de ces abbayes avait des pages portant des coussins en velours sur lesquels s'agenouillaient les abbés pendant le temps qu'on donnait la bénédiction.

56. Les chanoines de Saint-Pierre.
57. Le clergé de Saint-Pierre, précédé des enfants de chœur portant chacun un drapeau.

58. Le Vénérable.
59. L'image miraculeuse de la Vierge portée par seize jeunes gens et précédée de quatre flambeaux et de quatre musiciens.

60. L'Université, composée des bedeaux, du recteur magnifique, des docteurs en théologie, en droit et en médecine, des régents des quatre pédagogies, des professeurs, etc.

61. Le cheval Bayard, monté par les quatre fils Aymon [53] « de vier Aymons-kinderen. » Il était orné des armoiries de ses maîtres, consistant en gueules, au chef de même et chargé de trois pals d'azur variés d'argent.

Le manuscrit, dont M. Piot a tiré les détails de la procession, appelle le destrier « Voelbayaert, » et nous a transmis cette chanson flamande qui a plutôt trait à la kermesse de Louvain qu'aux fils Aymon  :

SANCK OVER DE VIER AYMONS KINDEREN.

Compt al ter kermis wie ghy syt,
'T is nu al vreucht en al jolyt.
Die men in langen niet en sach
Syn hier vergeert op eenen dach.

Syt willecom nu alle ghelyck,
Heer, vrouw en knaep, arm ende ryck.
Wie dat zy zyn 't zy van wat staet
Wy en begeeren niemant quaet.

Maer wacht u wel tot elcken heer
Van die schouvaegers sonder leer,
En die daer lagen dach en nacht
Dat sy niet met en hebben bracht.

Hier mede sluyten wy ons liet,
Maer en vergeet d'accyse niet;
Weest dan vrolyck in 's Lovens pleyn,
God ter eeren en zyn Moeder reyn.

Un almanach de Louvain de 1754 dit que Bayard, orné des armoiries d'Hellyman, était monté par les quatre enfants Hellyman, suivis du roi Charles (Charlemagne) qui les combattait à cheval.

Devant Rosbeyaert, dansait un « Moeselaer » (jeune homme qui jette des fleurs et des herbes).

62. Charlemagne.
63. Le grand géant Hercule, monté sur un cheval noir, et suivi de ses deux domestiques.
64. La belle Megera, épouse du Géant, montait un cheval blanc et portait sur le poing gauche un faucon, derrière elle un singe faisait des cabrioles.
65. Un fils et une fille des Géants.
66. « Kinnebaba in den rollewagen. » C'était un enfant dans une roulette. Il marchait tantôt en avant tantôt à reculons.
67. La nourrice de l'enfant au berceau.
68. L'enfant au berceau.
69. Le grand éléphant monté par les quatre parties du monde.
70. Le grand serment.

71. Les arquebusiers, précédés d'un homme perché sur deux longues jambes de bois et portant un enfant sur le dos. Il représentait Saint-Christophe avec l'enfant Jésus. Il était accompagné de l'ermite Cucufas portant une lanterne. De petits diablotins traînaient des caissons et des canons qu'ils déchargeaient, lorsque le curé donnait la bénédiction.

72. Le serment de l'arc.
73. Le serment de Saint-Georges.
74. Le comte de Louvain avec toute sa suite à cheval.
75. Un char de triomphe avec la comtesse entourée des sept familles patriciennes et des Peetermans de Louvain.

76. Le magistrat composé des huit chef-doyens des drapiers avec leurs secrétaires et leurs concierges « knapen; » les deux concierges de la ville; les greffiers ou clercs du registre; les quatre receveurs; les six secrétaires de la ville; les deux pensionnaires; les dix-neuf jurés du conseil; les sept échevins; le maïeur avec sa « brak » [54] rouge marchait entre les deux bourgmestres; enfin les sergents du maïeur.

77. Le cortége était fermé par un grand dragon avec Sainte-Marguerite et Saint-George.

Cette manière de faire la procession fut en vogue jusqu'en 1681. Depuis il n'y eut plus que les serments avec Saint Christophe, Cucufas et les diables qui en fissent encore partie. L'université et les magistrats l'accompagnaient également.

Mais le 10 mai 1786 Joseph II ayant défendu sévèrement les processions avec des images et de la musique, ni les serments, ni les métiers ne purent plus mettre leurs costumes.

Lors de la révolution brabançonne on abandonna cette défense et la procession eut lieu comme depuis 1681, avec cette différence cependant que les concierges des serments portaient seuls des costumes à l'espagnole.

Pendant la révolution française et depuis 1795 il n'y eut plus aucune espèce de procession, et elle resta oubliée jusqu'en 1831.

Tous les objets, chars de triomphe, statues, etc., ont été vendus le 24 juillet 1779. La tête du géant qui passait pour un chef-d'œuvre fut conservée à l'hôtel de ville jusqu'au jour où les Jacobins la brûlèrent avec une partie des archives et des anciennes armures et bannières des serments. La tête de Megara existe encore [55].

Une procession également célèbre par les géants qui y figurent, est celle qui sort le même jour à Wetteren dans la Flandre orientale.

A Saint-Nicolas, dans le pays de Waes, le premier dimanche de septembre les ouvriers des fabriques commencent une espèce de kermesse à laquelle ils consacrent tout ce qui reste d'argent dans leur grande caisse de prévoyance dont le compte annuel se rend vers la fin d'août.

Cette caisse commune a été fondée pour subvenir aux besoins des ouvriers et de leurs familles en cas de maladies ou de mort. Chaque ouvrier y contribue en proportion de ses gages et y paye, en outre, les amendes imposées pour toute infraction aux règlements qu'ils se sont donnés eux-mêmes.

S'il n'y a eu durant l'année que peu de maladies, l'encaisse suffit souvent pour fournir à toutes les dépenses qu'exigent huit jours d'amusement et des festivités.

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5 septembre.

(Agaricus campestris.) Saint Bertin, abbé; saint Laurent-Justinien


Saint Bertin, abbé de Sithiu, un des fondateurs de cette maison célèbre, qui porta depuis lors son nom, est patron de deux paroisses situées dans le diocèse de Bruges [56].

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6 septembre.

(Apargia autumnalis.) Saint Donatien; Saint Zacharie.


A Namur, le mardi après le premier dimanche de septembre la confrérie de Notre-Dame de Hal se rend à l'église de Saint-Loup pour y prendre l'image de Notre-Dame de Hal et la reconduire processionnellement dans l'église paroissiale de Notre-Dame.

Cette confrérie, érigée dans l'église des Récollets, envoie tous les ans, une députation à Hal le vendredi qui précède le premier dimanche de septembre.

Avant le départ, on porte processionnellement l'image de Notre-Dame de Hal à l'église de Saint-Loup où elle reste jusqu'au retour des pèlerins. Avant la révolution la procession qui accompagnait jadis l'image se dirigeait d'abord vers l'église des Dominicains.

L'image était précédée d'un des plus beaux habits de la dite Vierge, porté en guise de gonfalon par une jeune personne parée avec le plus grand luxe à la mode régnante; à ses côtés étaient deux autres demoiselles tenant chacune un coin de cet habit pour qu'il parût étendu et bien déployé. Deux jeunes cavaliers, montés sur des chevaux de parade et portant chacun un étendard précédaient les jeunes filles; le reste du cortège était magnifique à l'avenant.

On entrait dans l'église des Dominicains pour y déposer l'image de la Vierge; puis les jeunes filles montaient en voiture avec deux Pères Récollets, pour se rendre à Hal.

Le dimanche la procession de Namur étaient reçue en cérémonie par le clergé de Hal qui la conduisait à l'église de Notre-Dame, où l'on faisait offrande de l'habit à la Vierge, en se rédimant tout de suite après par une aumône; l'un des Récollets de Namur faisait ensuite un sermon. Après la cérémonie on retournait à Namur, où le cortège se formait de nouveau depuis les Dominicains jusqu'aux Récollets.

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7 septembre.

(Aster solidaginoides.) Saint Cloud; saint Hilduard; saint Madelbert;
sainte Reine; veille de la Nativité de Notre-Dame; instituée vers 722 par Grégoire Il.


Saint Cloud, que l'on invoque contre les clous, est à Liége et en quelques autres villes le patron des couteliers [57].

Saint Hilduard, exilé par les intrigues d'une faction puissante de son diocèse, situé en France, se réfugia à Rome, et y reçut de saint Pierre dans une révélation l'ordre d'évangéliser les cantons encore idolâtres de la Flandre. Il n'hésita point à accepter cette mission et partit en 733 pour la Flandre avec deux disciples. On lui indiqua non loin des bords de l'Escaut le canton où se trouvait déjà le village de Ticlivinum qu'on nomme aujourd'hui Dickelvenne, comme entièrement payen  ; après des peines infinies ce saint apôtre convertit le seigneur et tous les habitants de cette partie du comté d'Alost. Le seigneur, d'après le conseil du saint évêque, fonda un monastère, où il prit l'habit religieux et où il vécut depuis lors dans toutes les austérités de la pénitence. Saint Hilduard gouverna lui-même jusqu'à sa mort ce monastère [58].

Il bâtit dans le voisinage un couvent de femmes, dont il confia la direction à sainte Christine. Bien que sa fête soit marquée au 29 décembre, on la célèbre dans le diocèse de Gand le 7 septembre, jour de la translation de ses reliques à. Termonde, où le saint évêque devint patron secondaire du chapitre de Notre-Dame [59].

La chambre de rhétorique « de Leeuwerck, » l'alouette, à Termonde, qui honorait saint Hilduard comme son patron, chômait sa fête très-solennellement. Cette association, dont les chartes ont été perdues à l'époque des troubles, prétendait tirer son origine de l'ancien serment des escrimeurs (Schermers-gilde) qui avait été supprimé [60].

En Brabant et dans le pays de Limbourg on considère saint Hilduard comme le patron des noyers. C'est pourquoi on aime d'abattre les noix pendant la semaine qui précède ou qui suit le jour de sa fête [61].

Saint Madelbert est très-vénéré à Celles, village du doyenné de Waremme dans le diocèse de Liége, dont l'église paroissiale lui est consacrée.

Sainte Reine, dont le nom était autrefois écrit et prononcé « sainte Rogne, » est invoquée contre la rogne [62].

A Louvain, la célèbre Université, dont l'érection fut autorisée par un bref du pape Martin V, en date du 9 décembre 1425, fête l'anniversaire de son installation solennelle qui eut lieu le 7 septembre, l'an 1426. Cette docte académie qui a toujours compté de grands savants au nombre de ses professeurs, s'est illustrée de tout temps par la multitude de sommités littéraires qui y ont puisé leur science. Chaque nouveau docteur, immédiatement après sa promotion, devait aller déposer ses hommages au pied de la Vierge dans la collégiale de saint Pierre; cet usage s'est conservé jusqu'aujourd'hui, ainsi que l'ancien serment conçu en ces termes « Je promets aussi de défendre de tout mon pouvoir le culte et l'honneur de la bienheureuse Vierge Marie, patronne de cette Université [63]. »

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8 septembre.

(Aster amellus.) Fête de la Nativité de la Vierge.


A part la Nativité de saint Jean-Baptiste, l'Église ne célèbre que celle de Jésus-Christ et celle de sa mère, le nom de « Natalices » ou « nativité » (Natalitio sanctorum) donné à la fête des saints désigne ordinairement le jour de leur mort.

Ce ne fut que vers la fin du septième siècle que le pape Sergius I, étendit à toute l'église catholique la fête de la Nativité de la Vierge qui se célébrait déjà depuis trois siècles dans l'Anjou.

Parmi le grand nombre de sanctuaires de Marie pour qui ce jour est la fête principale de l'année, il faut citer Notre-Dame dite « Aralunæ, » inaugurée à Arlon, en 1654, dans l'église des Capucins [64]; Notre-Dame de la Potterie à Bruges, où se vénère la plus ancienne image miraculeuse de la ville, le premier miracle s'étant opéré en 1009 [65]  ; Notre-dame de Deynsbeke, près de Sotteghem, dont nous aurons encore l'occasion de parler; Notre-Dame au Cerisier à Edelaer [66]  ; enfin Notre-Dame de Nazareth, à deux lieues et demie de Gand, où le concours des pèlerins surtout pendant la quinzaine solennelle qui commençait le 8 septembre, était autrefois si grand qu'il pouvait être comparé à celui que l'on remarque à Hal dans les plus grandes solennités [67].

A Bruxelles, la confrérie de la « Vierge de Lorette, » érigée canoniquement en 1648, et dont personne ne pouvait être membre, à moins d'avoir fait le voyage de Lorette, faisait autrefois, le jour de la Nativité de la Vierge, une procession dans laquelle les confrères portaient en main une petite bannière en papier avec l'effigie de la chapelle de Lorette [68].

Une autre confrérie de la même ville, érigée en l'église de Saint-Nicolas sous le titre de Notre-Dame de la Paix, célèbre le même jour sa fête principale.

Dans la chapelle dite « au Bois » ou « la Maison Haute » (de Capelle in den bosch genaemt het Hooghuys), près de Wolverthem en Brabant on célèbre l'installation de l'image miraculeuse de la Vierge. Un chien auquel cette petite statue était jadis attachée, parut vers l'an 1682 entouré de lumière. L'événement fit du bruit, un grand concours de monde afflua vers cet endroit; des miracles s'y opérèrent et bientôt, avec le produit des offrandes des pèlerins, on put y bâtir une chapelle, le 2 juillet 1695, la statuette de la Vierge fut portée processionnellement de l'église de Wolverthem dans la chapelle qui n'était pas encore achevée. Lors des troubles de la guerre elle fut replacée dans l'église paroissiale; on ne l'installa définitivement dans la chapelle, qui était alors couverte, que le jour de la Nativité de Notre-Dame.

Les petites bannières et les jetons distribués aux fidèles devaient porter d'un côté l'image de la Vierge, de l'autre celle de saint Norbert. (Sentence datée du 12 mars 1700) [69].

A Hollebeke on célèbre avec beaucoup de solennité la neuvaine de la Nativité de Notre-Dame.

L'image miraculeuse de la Vierge fut d'abord, comme beaucoup d'autres, attachée à un arbre de la forêt voisine de la paroisse  : elle était connue comme la protectrice de tous ceux qui venaient lui exposer leurs besoins.

Vers le commencement du dix-septième siècle, on y construisit une chapelle et on pratiqua dans le bois un chemin assez large pour qu'on pût porter la sainte image dans la procession annuelle, qui avait lieu le jour de la Nativité.

Les nombreuses bénédictions qu'on y obtenait par l'intercession de Marie augmentèrent de jour en jour la dévotion des fidèles; en 1630, on bâtit près de la chapelle une église paroissiale sous le nom même de la Nativité de Notre-Dame.

Les chapelles de Hollebeke, de Linzelles et de Dadizeele, paroisses qui sont distantes de trois lieues l'une de l'autre, étaient également fréquentées par les pèlerins; le peuple, qui les visitait alternativement, appelait ce triple pèlerinage la dévotion des trois Maries.

Sous le règne de Joseph II, la chapelle de la Vierge, à Hollebeke, fut annexée à l'église; mais la dévotion des fidèles ne s'affaiblit point. Les parents y implorent particulièrement le secours de Marie pour les enfants qui souffrent par suite d'hernies ou de maladies intestinales [70].

A Lebbeke, près de Termonde, a lieu une procession solennelle où l'on porte la statue de Notre-Dame; les habitants les plus considérables de la ville de Termonde se disputent l'honneur d'être parmi les porteurs. Après le grand jubilé, célébré en 1767, on institua une neuvaine qui commence le 8, et finit le 17 septembre.

C'était à l'occasion de cette procession que la chambre de rhétorique qui existait jadis à Lebbeke représentait presqu'annuellement différentes pièces ou « spelen » en vers, soit à cheval soit sur des tréteaux [71]..

A Lombeek-Notre-Dame, commune située à trois lieues et demie de Bruxelles et qui doit son nom à une statue miraculeuse de la Vierge, honorée dans l'église paroissiale, la fête de la Nativité attire de nombreux pèlerins.

Cette statue est aussi célèbre par son antiquité que par ses miracles. La tradition assure que la Vierge traça elle-même le plan de l'église où son image est honorée; et que Jean de Lombeek ayant formé le dessein de faire construire ce sanctuaire, mais ne sachant où prendre les matériaux nécessaires, trouva sur l'indication de Marie une carrière qui se referma aussitôt après l'achèvement de l'édifice.

Pendant les guerres, ajoute la légende, la statue vénérée fut transportée à Hal, et à cette occasion les habitants de cette ville obtinrent, que leur procession précéderait celle de Lombeek, dont l'époque fut fixée au 8 septembre; ils promirent en retour qu'ils donneraient tous les ans une robe à la statue de Notre-Dame de Lombeek [72].

A Gand c'est surtout au sanctuaire de Notre-Dame aux Rayons ou de la Couronne d'Étoiles (O.-L.-V. ter Radien ou van het Sterren Kransken) que l'on trouve pendant l'octave de la Nativité de la Vierge la plus grande affluence de pèlerins.

La confrérie qui possède l'image miraculeuse honorée sous le nom de Notre-Dame aux Rayons, est sans doute la plus ancienne de toutes les associations pieuses qui ont été érigées sous ce nom dans les deux Flandres. Elle existe depuis le commencement du treizième siècle dans la magnifique cathédrale de Gand, qui n'était alors que l'église paroissiale de Saint Jean-Baptiste; plusieurs indulgences tant plénières que partielles, lui ont été accordées [73].

A Malines, la célèbre confrérie de Notre-Dame des Sept-Douleurs avait autrefois l'habitude de donner tons les ans le jour de la naissance de Marie un banquet fraternel.

Dix proviseurs devaient seuls servir à table. La salle était décorée d'une statue de la Vierge, devant laquelle, après le repas, on chantait en fléchissant le genou le « Salve Regina ». Cet antiphone fini, le président de la confrérie congédiait les confrères en disant  : « Ite domi fratres; satis haustum est. Ite sodales! » (Allez-vous-en, mes frères; on a assez bu; allez-vous-en, convives) [74].

A Mons, la confrérie érigée au quinzième siècle dans l'église de Saint Nicolas-en-Havré sous l'invocation de Notre-Dame du Mont-Serrat, célébrait son jour de fête, fixé à la Nativité, par une procession solennelle, suivie d'une octave en l'honneur de la Vierge [75].

A Montenaeken, commune de la province de Liége, la petite chapelle de Steps, aujourd'hui presque ruinée attirait anciennement, le 8 septembre, un immense concours de fidèles. On s'y rendait pour y invoquer l'intercession de « Notre-Dame de Steps » ou « de Montenaeken », dont la statue fut transportée, en 1467, dans l'église cathédrale de Liége. C'était à cette image miraculeuse que les Liégeois attribuaient la victoire éclatante qu'ils remportèrent, en 1213, au milieu de la plaine où s'élève le sanctuaire antique dédié à « Notre-Dame de la Nativité » [76].

A Namur, la collégiale de Notre-Dame avait anciennement, eu ce jour, une grande fête avec exposition de reliques.

Parmi les sanctuaires du Pays de Waes celui de Nieukerke est le plus fréquenté pendant l'octave de la Nativité.

L'image miraculeuse qu'on y vénère est communément appelée l'image de Notre-Dame au Bois, ou « O. L. V. ten Bossche, » apparemment parce qu'elle a d'abord été attachée à quelque arbre.

La chapelle où elle fut placée postérieurement, paraît avoir été antérieure à la paroisse même, qui ne fut érigée que vers la fin du treizième siècle  : elle exista jusqu'à l'invasion française. Depuis, la sainte image repose dans l'église paroissiale, dédiée elle-même à la Mère de Dieu; rarement il se passe une semaine sans que beaucoup de pèlerins y viennent implorer le secours de Marie.

Un autre sanctuaire très-célèbre de la Vierge que le Pays de Waes possédait au moyen-âge n'existe plus. Il était situé dans les environs de Kieldrecht près d'un lieu, d'abord sauvage et inculte, nommé Hulsterloo, d'où lui vint le nom de Notre-Dame d'Hulsterloo. Si l'on en croit une tradition, l'image miraculeuse qu'on y vénérait, avait d'abord été honorée à Arras; mais comme les habitants avaient entièrement négligé son culte, elle avait été transportée par les anges à cette extrémité du Pays de Waes. Les comtes de Flandre ayant donné le domaine à l'abbaye de Tronchiennes, celle-ci y fit bâtir un prieuré et le pèlerinage d'Hulsterloo devint de plus en plus fameux. Mais le prieuré et le sanctuaire furent dévastés par les iconoclastes, et ni l'un ni l'autre ne se releva de ses ruines [77].

A Sotteghem se fait, l'un des jours de l'octave de la Nativité de Notre-Dame, une procession solennelle en mémoire de l'épidémie dont la ville eut à souffrir, en 1742, et dont elle fut délivrée par l'intercession de Notre-Dame de Deynsbeke.

Cette statue, faite d'après la tradition d'un fragment de la Vierge d'Afflighem, brisée par les iconoclastes, se vénère depuis 1750 sous le nom de « Consolatrice des affligés » à l'église de Deynsbeke, près de Sotteghem  ; elle est particulièrement invoquée contre les fièvres malignes et les maladies épidémiques..

Une confrérie a été érigée en son honneur; les membres jouissent de grandes indulgences accordées en 1753, par le pape Benoît XIV [78].

A Tongerloo, dans la plus connue des abbayes Norbertines en Belgique, abbaye qui fut érigée en l'honneur de la Vierge, vers 1130, par Gilbert, riche propriétaire de la Taxandrie; avait lieu le même jour une procession magnifique qui attirait jadis toute la population des environs [79].

A Vilvorde se faisait en ce jour la grande procession ou l'ommegang de la ville.

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9 septembre.

(Solidago canadensis.) Saint Omer; saint Adrien;
saint Pierre Claver; saint Gorgone.


Le 9 septembre, la population de Marche-lez-Écaussines se rend encore annuellement en procession à Familleureux, où le clergé célèbre une messe d'actions de grâce en mémoire d'une peste dont les habitants furent délivrés par l'intercession de la Vierge; la statue de Marie est portée dans la procession.

Cette statue de Familleureux est vénérée sous le nom de Notre-Dame de Miséricorde, en souvenir sans doute de la légende suivante, dont un tableau sculpté, dans l'église de la commune retrace le souvenir.

La commune de Familleureux, qui fait partie du canton de Seneffe et de l'arrondissement de Charleroi, porta d'abord le nom de lieux, mais depuis qu'en 1244 Nicolas de Familleur était seigneur de lieux, on ne la désigna plus autrement que sous le nom de Familleureux. Or, un des seigneurs de ce village, Wautier de Bousies, dit Fier-à-Bras de Vertaing, avait organisé dans ses domaines des réjouissances et des jeux publics auxquels il avait invité les habitants des localités environnantes. Au milieu de la fête les hommes de Houdeng insultèrent le seigneur, qui les régalait. Dans sa colère Fier-à-Bras résolut de tirer une vengeance éclatante de cette insulte, et fit tout disposer pour une expédition contre le village de Houdeng, dont il voulait exterminer les habitants.

De leur côté les coupables prévoyant le châtiment qui leur était réservé, se rendirent à Familleureux pour implorer leur grâce. Lorsque Fier-à-Bras apprit qu'ils étaient devant la porte du château, dont ils sollicitaient humblement l'entrée, il saisit ses armes, et, suivi de son fidèle lévrier il marcha contre les malheureux habitants de Houdeng. Déjà malgré leurs supplications et leurs cris il avait tué ceux qui se trouvaient à sa portée quand tout-à-coup l'image de la Vierge se dressa devant lui et le sépara de ceux qu'il voulait frapper. A cette vue, Fier-à-Bras, dont le casque venait d'être enlevé par une main invisible, sentit sa colère se dissiper et un besoin de pardon succéda à son désir de vengeance.

Le tableau qui perpétue cette scène, était fixé jadis non loin de la tribune du seigneur de la localité; il est maintenant placé à gauche de l'autel de la Vierge. Une inscription en caractères gothiques qui se lit sous le tableau, dit  :

C'est il rememorance del offence que ceulx de Houdaing avaient fait a Mons. Fierabras de Vertaing en cette ville et maison du Familleuroels.

L'ancienne église était bâtie près de la ferme de Courrières, et relevait de l'abbaye de Bonne Espérance; mais en 1512 on supprima l'antique édifice et on érigea en église la chapelle construite près du château et dédiée à Notre-Dame de Familleureux, dont le culte s'étendait de jour en jour. C'était surtout dans des maladies contagieuses, que le concours des dévots augmentait au sanctuaire de Familleureux; les miracles nombreux, qui s'opéraient, dit-on, dans cette chapelle, en tirent un lieu de pèlerinage très-fréquenté.

La confrérie de la Vierge établie à Familleureux, est très-ancienne et très-nombreuse. Dans un registre de 1685 on trouve une longue nomenclature des villages qui y étaient aggrégés et dont les habitants faisaient le pèlerinage de Familleureux les jours de fête de la Vierge.

On montre encore incrustée à l'intérieur de la chapelle de la Vierge dans l'église de Marche-lez-Écaussines une pierre sculpté représentant le pèlerinage à N.-D. de Familleureux [80].

A Meerbeck près de Ninove on célèbre ce jour-là la fête des saintes None et Celse, vierges qui reposent avec sainte Berlinde dans l'église de ce village [81].

« Sint Omaers putteken, » le petit puits de saint Orner est encore aujourd'hui le but de nombreux pèlerinages. Un noble seigneur Adelfried (dont la commune d'Alveringhe, anciennement « Adelfridingahem, » la villa d'Adelfried, emprunta son nom) et les premiers fidèles des environs de Furnes y furent baptisés par saint Omer, évêque de Thérouane et missionnaire à Furnes, en 663. Le jour où selon la tradition cette conversion eut lieu, le clergé d'Alveringhen vient bénir les eaux de la fontaine, et chaque famille emporte de cette eau pour en distribuer à ses malades, à son bétail et pour en arroser sa maison [82].

Dans les environs de Tongres et de Maeseyck, tout le monde va le jour après la Nativité de la Vierge à la rencontre des pèlerins qui reviennent de Kevelaer. Les enfants, à pied ou portés sur les bras de leurs mères, ont chacun à la main un grand cierge allumé et bien décoré, qui est donné en offrande à l'église. A son tour le curé invite tous les enfants à une petite fête qui a toujours lieu le jeudi suivant; on leur sert d'abord du café avec du biscuit anisé ou « krombroodjen, » puis du riz au lait ou « rystpap » qu'ils mangent en se servant de cuillers en argent comme les anges au paradis, selon la croyance populaire.

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10 septembre.

(Crocus autumnalis.) Saint-Nicolas de Tolentino.


A Gand on mange pour se préserver de la fièvre des petits pains bénits appelés « sint Niklaes van Tolentino broodjen, » pains de saint Nicolas de Tolentino. On en porte même sur soi pour se préserver des sortilèges et surtout des « maren » [83].

Le troisième samedi avant la saint Michel s'appelle « Gulden zaterdag, » samedi d'or [84].

Le samedi, avant le jour du nom de Marie, une grande partie des habitants de Bruxelles illuminaient autrefois leurs maisons. L'église du Sablon restait ouverte depuis sept jusqu'à onze heures du soir, et attirait une foule de monde. L'archevêque de Malines, eu égard aux abus qui résultaient de cette dernière coutume, la supprima en 1768. Depuis lors les habitants de Bruxelles cessèrent d'illuminer leurs maisons; il n'y eut guère que les bouchers qui continuèrent opiniâtrement à illuminer la boucherie avec des lanternes de papier ornées de figures grotesques [85].

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11 septembre.

(Colchicum variegatum.) Saint Emilien;
saints Prote et Hyacinthe; sainte Vindicienne.


Le dimanche qui suit la fête de la Nativité de Notre-Dame, l'église célèbre celle du « Saint nom de Marie [86]. »

Le second dimanche de septembre, la confrérie de Notre-Dame de Hal ou « des Paradyzes » (du paradis), à Hal dont le pape Eugène IV confirma l'érection en 1432 et que plusieurs autres pontifes ont favorisée de diverses indulgences, célèbre sa fête par une messe solennelle suivie d'une procession, dans laquelle on porte l'image miraculeuse de Notre-Dame; puis les membres se réunissent dans un repas dont les plats sont prescrits par les statuts.

Le dimanche après la Nativité de la Vierge est le jour de fête de Wavre-Sainte-Catherine près de Malines, où l'image miraculeuse de Notre-Dame attire chaque année un grand concours de fidèles.

Ce n'est qu'en 1739 que commença la dévotion à cette statuette qui était fixée à un arbre, dans un endroit dit « de Dry Roeden, » les Trois Verges. On l'invoquait contre les fièvres avec tant de zèle, qu'en l'année 1749, le montant des offrandes dépassait 450 florins. En 1747, le fermier Jean Janssens obtint l'autorisation de bâtir, pour cette image de la Vierge, une chapelle, où les novices du couvent des Jésuites de Malines enseignaient autrefois le catéchisme [87].

Le même jour a lieu une procession solennelle au « Bois-Seigneur-Isaac » en souvenir d'un miracle qui s'y opéra le 5 juin 1405 [88].

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12 septembre.

(Passiflora peltata.) Saint Guy ou Guidon; saint Quirice.


Saint Quirice, enfant qui souffrit, le martyre avec sa mère sainte Julitte, est patron de Seneffe, dans l'évêché de Tournay  ; saint Guidon est très-vénéré en Brabant.

Il naquit vers l'an 950 à Berchem-Sainte-Agathe, suivant quelques-uns, à Anderlecht suivant l'opinion la plus répandue. D'après une tradition accréditée parmi les vieillards, il y a deux siècles, il vit le jour dans une maison située près du couvent des Minimes, et appelée « Sinte-Wyen gelege, » dont la porte avait toujours été décorée de sa statue en pierre.

La pauvreté de sa famille força Guidon à s'engager au service d'un laboureur. Il partageait avec ses parents le produit de son travail, et le temps que d'autres passaient dans le repos, il l'employait à élever son âme vers Dieu. Un jour qu'il avait quitté sa charrue pour se mettre en prières, un ange vint prendre sa place. Le maître du saint, au comble de l'admiration, vit bientôt s'opérer d'autres prodiges. Guidon ramasse de la terre, et sous ses doigts cette terre se change en pain; son bâton lui échappe des mains, se fixe dans le sol, se couvre à l'instant de feuilles et devient un chêne immense; le chêne de saint Guidon (Sinte-Wyden-Eik) a été abattu en 1633, parce qu'il mourait de vieillesse, et remplacé par un autre arbre qui existe encore sur le bord du chemin d'Anderlecht à Itterbeek.

Devenu homme, Guidon conçut le projet de fuir le monde. Il erra longtemps avant de trouver un lieu où il pût vivre dans la solitude. Arrivé au hameau de Laeken, il consentit, à la prière du prêtre du lieu, à y rester comme sacristain. Il se dévoua tout entier à ses nouvelles fonctions; grâce à ses soins, l'autel était toujours paré de fleurs, l'église resplendissante de propreté, bien qu'il ne se relâchât en rien de sa première austérité. Mais ni ses veilles, ni ses jeûnes, ni son inépuisable charité ne le mirent à l'abri des pièges du tentateur.

Un marchand qui habitait « le château voisin, appelé Bruxelles, » sut lui persuader d'employer dans le commerce son petit pécule, en lui représentant que, devenu plus riche, il pourrait donner plus largement aux pauvres. Mais le ciel ne favorisa pas les deux associés. Le bateau qui portait leurs marchandises s'abîma dans la Senne, et Guidon, qui, au grand étonnement de tous, avait voulu accompagner l'équipage, revint dépouillé et repentant. Peu de temps après, il partit pour visiter la Terre-Sainte.

A Rome, il rencontra le doyen d'Anderlecht, Wonedulphe, qui le connaissait de réputation, mais à qui sa longue barbe, ses traits altérés par la fatigue et la faim, le rendirent d'abord méconnaissable. Ils se revirent avec joie, et partirent ensemble pour Jérusalem. Pendant le retour le doyen mourut, et de nombreux miracles s'opérèrent sur son tombeau. Déjà, avant son départ, Wonedulphe avait mérité les faveurs du ciel; un jour selon la tradition, ses serviteurs, en allant ensemencer un champ, le virent couvert d'épis et de fleurs. Le lieu, situé dans la plaine de Scheut, près du chemin dit « des mendiants, » conserva le nom de « champ de miracle, » « den akker van mirakel en het mirakuleus bunder. » Au seizième siècle, on le citait pour son extrême fertilité, et les passants se plaisaient à y arracher des épis. Quelques personnes prétendaient que c'était là que des anges avaient aidé Guidon dans son travail. C'est pourquoi on l'appelait aussi « le bonnier de Saint-Guidon, Sinter-Wyden-bunder ager Sancti Guidonis. »

L'empressement que Guidon mit à regagner le Brabant épuisa ses forces, auxquelles un flux de sang porta une nouvelle atteinte. Il arriva à Anderlecht presque sans vie, après une absence de sept années. Accueilli dans une pauvre chaumière, il raconta les incidents de son voyage, entre autres les derniers moments de Wonedulphe. A la nouvelle des récits du pèlerin, les clercs ou chanoines accoururent auprès de lui, et le vicaire ou vice-doyen ne douta plus de sa bonne foi, lorsque saint Guidon lui eut montré l'anneau de Wonedulphe. On s'empressa de porter le malade au monastère, mais aucun soin ne put le sauver; il mourut le 12 septembre 1012. Au moment où il quittait la terre, une lumière éclatante entoura tout-à-coup le moribond et une voix venant du ciel prononça ces paroles  : « Que notre bien-aimé vienne partager la couronne de la béatitude éternelle, puisqu'il a conservé la foi. » Aussitôt on accourut, mais il était trop tard, Guidon venait de rendre l'âme.

Dans l'ancien monastère, qui servit depuis d'habitation au doyen, on montrait encore au dix-septième siècle la chambre où le saint avait expiré.

L'oubli ne tarda pas à effacer l'éclat que la sainte vie du pauvre paysan avait répandu sur ses derniers moments. Sa tombe cessa d'être respectée; mais un jour, un cheval, qui l'avait heurtée de son sabot, fut frappé de mort à l'instant. Onulphe, le seigneur du village, voyant dans cet événement une marque de la colère divine, fit entourer d'une haie la sépulture du saint. Les deux serfs qu'il avait chargés de ce travail, se prirent à rire et s'écrièrent  : « Voilà un bel ouvrage; emprisonner un vieillard mort depuis longtemps. Craint-on qu'il ne veuille s'enfuir? » Une mort subite les punit de cette parole inconsidérée.

Alors la dévotion recommença. En 1054, on éleva sur le tombeau de saint Guidon, et contre les murs de l'église, un oratoire dédié à la Vierge. Mais les murs de l'église menaçant de s'écrouler, les habitants d'Anderlecht, de concert avec le clergé du lieu, résolurent d'en bâtir une plus grande. Pour exécuter ce projet il fallait détruire l'oratoire. Ne sachant où placer les ossements de Guidon, on s'adressa à l'évêque de Cambrai, Gérard, qui ordonna de les déposer « au milieu de l'église, dans un lieu décemment orné » jusqu'à ce que le bâtiment fût entièrement reconstruit. Après un jeûne solennel de trois jours, on exhuma les restes vénérés, et on les lava dans une fontaine qui conserva depuis des propriétés surnaturelles. Elle sortait de terre à l'endroit qu'occupe le centre de l'église actuelle, et où on plaça plus tard le tombeau du saint, avec l'inscription suivante  : « Hic confessorins Sancti jacet unda Guidonis - quà fuit ablatus a praesule canonisatus. » Aujourd'hui la « source de Saint-Guidon » (Sinte-Wydens borre) jaillit à mi-côte du versant septentrional du plateau d'Anderlecht au lieu dit « den Weldenberch. » On y lit sur un pierre bleue  : Sanctus Guido. - O(ra). P(ro). N(obis). 1786. [89]

De nombreux dévots, transformés en ouvriers infatigables, aidèrent à la construction du nouveau temple. Parmi eux il y en eut un, nommé Tancrade, qui recouvra la vue par l'intercession du bienheureux. A peine guéri, il se hâta de regagner son lieu natal, au-delà de la Dendre, « sans avoir demandé au saint l'autorisation de partir, ni reçu la bénédiction des clercs. » Il redevint aussitôt aveugle, mais ayant visité une seconde fois le sanctuaire d'Anderlecht, il revit la lumière, et prouva sa reconnaissance en travaillant toute sa vie à l'achèvement de l'église. Cette grande entreprise terminée, l'évêque Odard ou Odon procéda, le 24 juin 1112, à l'élévation des restes de Guidon, que l'église a mis au rang des bienheureux et que les campagnards regardent comme le patron de leurs écuries et de leurs étables.

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13 septembre.

(Crocus sativus.) Saint Amat; saint Maurille;
saint Frédéric; saint Materne.


Saint Frédéric est le patron de Vlierzele, paroisse du doyenné d'Alost dans l'évêché de Gand, dont il fut le curé.

Saint Materne, que trois paroisses de l'évêché de Namur honorent comme patron, et dont la fête se célèbre communément le 14 de ce mois, est le premier apôtre des Dinantois et le fondateur d'un très-grand nombre de sanctuaires. Ce fut lui qui modela de ses propres mains la fameuse statue de la Vierge à Walcourt et fit bâtir les églises ou oratoires sous l'invocation de Notre-Dame à Ciney, à Dinant, à Huy, à Namur, à Tongres, etc.

Néanmoins, on ne sait pas encore exactement l'époque de son apostolat. Quelques auteurs le font disciple de saint Pierre et fils de la veuve de Naïm, d'autres assurent qu'il vivait au commencement du deuxième siècle, enfin une troisième opinion, accréditée par les Bollandistes reporte les travaux évangéliques de saint Materne au commencement du quatrième siècle et prétend que ce saint évêque de Tongres mourut en 328.

La fête qui se célébrait à la collégiale de Namur en l'honneur du fondateur de cette première église de la ville attirait autrefois, le 14 septembre de chaque année, un grand concours de pèlerins qui y affluaient de tous côtés pour visiter l'église souterraine connue sous le nom de « Grotte de Saint-Materne, » où était conservé l'ancien autel consacré par le saint lui-même.

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14 septembre.

(Passiflora coerulea.) Saint Materne;
Fête de l'Exaltation de la sainte Croix.


Cette fête « H. Kruisverhefflng, » fut établie en mémoire d'un événement historique.

La vraie croix avait été enlevée par les Persans dans le temple de Jérusalem, elle leur fut reprise en 628 et replacée l'année suivante par l'empereur Héraclius dans l'église de la Résurrection. Dès l'an 1092, Tournai célèbre en ce jour, par une procession solennelle, la délivrance d'une affreuse maladie appelée feu ardent, qui cessa par l'entremise de la Vierge [90].

Instituée par l'évêque Radbod II, cette procession devint si célèbre que souvent elle était suivie de plus de cent mille étrangers de tout âge et des deux sexes, et qu'on faisait trois processions le même jour  : à minuit, à quatre heures du matin pour ceux de Gand, et à sept heures. Philippe de Valois (VI) ordonna en 1330 que « ceux qui y assisteraient pendant neuf jours, ne pourraient être arrêtés, ni molestés en personne, ni en biens.»

La veille de la procession, la Confrérie des Damoiseaux [91], composée de jeunes gens des premières familles bourgeoises, et suivie du corps des doyens, en manteaux noirs et rabats, se mettait en marche vers quatre heures de l'après-midi, pour aller à la cathédrale rendre hommage à la Vierge, dans la chapelle de la Croisée; ils allaient tous en ordre baiser la sainte vraie croix que MM. du chapitre y déposaient dans un reliquaire d'argent. Ils y faisaient chacun une offrande qu'ils tiraient d'une petite bourse de soie cramoisie suspendue par un ruban à la boutonnière de leur habit.

Des quatre compagnies bourgeoises, celle des canonniers [92] avait seule l'honneur de prendre part à la cérémonie; chacun d'eux venait en son rang baiser la croix et faire son offrande. Après quoi le cortège se rendait dans le même ordre à l'Hôtel-de-Ville.

Le lendemain, après les trois processions, on faisait le « Deposuit » [93] et on se livrait au plaisir de la table [94].

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15 septembre.

(Colchicum byzanticum). Saint Nicomède; saint Nicèle;
saint Eleuthère, octave de la Nativité de la sainte Vierge.


Cette octave fut instituée en 1243 par Innocent IV après son élection, en accomplissement d'un vœu. A l'occasion de quelques différends qui survinrent lors de l'élection de ce successeur de Célestin IV, à cause des brigues de l'empereur Frédéric II, les cardinaux eurent recours à Notre-Dame, et s'obligèrent par vœu d'ajouter une octave à la fête de sa Nativité dès qu'elle leur aurait donné un pape [95].

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16 septembre.

(Aster tripolum.). Saint Corneille, pape; sainte Euphémie, saint Eleuthère.


Saint Corneille, auquel onze églises sont consacrées, est invoqué par le peuple contre les convulsions. C'est surtout à Aelbeke, village situé dans le doyenné de Menin, que se rend la foule des pèlerins pour obtenir la protection du saint dans l'église qui porte son nom.

A Mons, les tailleurs l'ont pris pour patron, mais ils chôment le jour de sa fête le 14 du mois.

A Tournai, on célèbre la fête de saint Éleuthère, patron de la ville, à l'église de Notre-Dame; on y admire encore à côté du maître-autel la châsse ou « fierte » de ce saint, magnifique ouvrage d'orfèvrerie que l'on attribue à saint Éloi, argentier du roi Dagobert. Trois églises du diocèse de Namur sont dédiées à saint Éleuthère.

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17 septembre.

(Malva augustiflora.) Saint Lambert.


Le patron de Liége, mort vers l'an 709, est un des saints les plus vénérés de la Belgique. Cent trente-quatre églises lui sont consacrées, et sa fête se célébrait autrefois partout avec la plus grande solennité. La procession qui avait lieu ce jour à Liége était une des plus magnifiques de tout le pays.  Jusqu'à l'époque où la principauté de Liége fut rayée de la liste des États européens, les seize chambres, chacune composée de trente-six membres, substituées par un règlement qui date de 1684, aux trente-deux métiers et représentant la généralité de la bourgeoisie, s'assemblaient chaque année à la Saint-Lambert, pour l'élection de la magistrature. L'élection de l'un des deux bourgmestres appartenait au peuple, celle de l'autre au prince; l'un était plébéien, l'autre tiré de la noblesse. Les noms des trois citoyens qui réunissaient le plus de voix, étaient jetés dans une urne pour être tirés au sort, et celui dont le nom sortait le premier, était proclamé bourgmestre.

Les noms des trois candidats proposés par le prince, étaient, de la même manière, tirés au sort.

Cette opération terminée, le nom des élus était annoncé au peuple par les trompettes de la ville et le peuple y répondait par des acclamations. On courait chercher les nouveaux magistrats et on les amenait à l'église de Saint-Jacques.

C'est là que l'on gardait les anciennes chartes de la ville et que les bourgmestres prêtaient serment de fidélité aux franchises de la commune. On montre encore dans l'église le double escalier en spirale travaillé d'une manière ingénieuse qui conduisait les deux chefs de la ville à la petite tribune du haut de laquelle ils devaient prononcer leur serment, sans qu'ils dussent se rencontrer, ni céder le pas l'un à l'autre [96].

Dans le duché de Limbourg, on aime à semer le blé en ce jour, qui passe pour être heureux.

Le dimanche après la fête de saint Guidon est le jour de l'ancienne kermesse à Anderlecht; les cérémonies qui y avaient lieu étaient les mêmes que celles du lundi de la Pentecôte, époque actuelle de la grande kermesse [97].

Le dimanche après l'octave de la fête de saint Guidon avait lieu à Anderlecht, la procession solennelle de la confrérie de ce saint, dont, ce jour-là, la chasse était portée dans l'église, accompagnée du clergé et du peuple. Cette confrérie fut instituée par l'archevêque Boonen, le 24 août 1631. L'infante Isabelle, s'en déclara la protectrice et le pape Alexandre VIII lui accorda des indulgences. A la tête de la confrérie étaient deux prévôts, nommés par le curé et les membres; chaque année, l'un d'eux sortait de fonctions [98].

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18 septembre.


(Aster pendulus.) Saint Joseph de Cupertino,
sainte Sophie; saint Thomas à Villanova.


A Verviers se célèbre l'anniversaire du prodige que l'on attribue à l'image de Notre-Dame de Miséricorde, honorée dans l'église des Pères Récollets.

Le 18 septembre 1692 les secousses d'un terrible tremblement de terre effrayèrent presque toute l'Europe. Les habitants de Verviers reconnaissant l'inutilité de toutes les précautions coururent se prosterner aux pieds d'une statue de la Vierge, placée alors au frontispice de l'église des Récollets. Cette statue tenait un sceptre dans la main gauche et dans la droite l'enfant Jésus; tous deux avaient la face tournée vers les suppliants. Quand cessa le tremblement de terre, la position de la statue était entièrement changée. L'enfant Jésus s'était retourné vers sa mère et fixait sur elle des regards de tendresse; ses mains ramenées sur le sein de la Vierge semblaient y être retenues par elle. Plus de six cents personnes vinrent à cette époque témoigner par écrit de la vérité de ce fait, et les chroniques ajoutent que pendant toute la durée du désastre on vit la statue changer plusieurs fois de visage et agiter les lèvres comme une personne qui prie avec ferveur. Depuis cette époque cette image porte le nom de « Mère de Miséricorde. » En son honneur on érigea, dès l'année 1698, dans l'église des Récollets une confrérie sous le titre de Notre-Dame de Miséricorde, confrérie qui fut gratifiée de nombreuses indulgences par bref apostolique du 28 juin 1698. Un autre bref du pape Clément XII daté du 3 décembre 1739, accorda une indulgence plénière à tous ceux qui visiteraient l'église des Récollets le 18 septembre, jour anniversaire du prodige que nous avons rapporté [99].

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19 septembre.

(Scabiosa succisa). Saint Janvier; sainte Constance.


Fête de Notre-Dame de la Salette dans toutes les chapelles où l'on honore la Vierge sous cette invocation [100].

A Diest la chambre de rhétorique du Lis (de Leliebloem) faisait célébrer chaque année, le 19 septembre, une messe à laquelle elle assistait « in corpore. » Une rente annuelle de cinq florins en charge de Norbertus Michiels à Scherpenheuvel était allouée à cette messe.

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20 septembre.

(Colchicum autumnale.) Saint Eustache, auquel les églises de Sichem,
près de Diest, et de La Gleize (Roannes), dans le doyenné de Stavelot
sont consacrées.


A Ostende on fête ce jour un jubilé en commémoration de la capitulation de la ville au prince Albert après le fameux siége qui dura trois ans. Ce fut surtout celui de cent cinquante ans que l'on célébra en 1754 avec la plus grande solennité. On érigea des arcs de triomphe, on décora toutes les maisons et on illumina la ville ce qui attira une immense affluence d'étrangers [101].

A Vliermael, grande paroisse du doyenné de Looz dans le diocèse de Liége on célèbre la fête de saint Agapite, patron de l'église.

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21 septembre.

(Passiflora cilcata.) Saint Mathieu.


Saint Mathieu, que dans plusieurs villes, entre autres à Mons, à Namur, etc., les ébénistes et les menuisiers ont adopté pour patron. Son jour est un grand jour de sort, mais il s'y attache des idées pénibles. Car c'est le « winterdag, » jour d'hiver, que se célébrait jadis la fête de l'équinoxe d'automne.

A minuit les jeunes filles se rendent près d'un ruisseau. L'une porte une couronne de pervenche, ou de roses de Notre-Dame entrelacée de lierre. Une autre porte une couronne de paille, une troisième tient en main une poignée de cendres. Ces trois objets doivent être jetés dans un vase rempli de l'eau du ruisseau.

Puis les filles, les yeux bandés, dansent trois fois autour du vase l'une après l'autre et silencieusement se baissent et saisissent dans l'eau soit la couronne de pervenche, qui est la couronne nuptiale soit celle de paille, couronne de malheur, soit enfin des cendres symbole de mort. Dans le premier cas la jeune fille continue à interroger l'avenir en jetant dans l'eau des grains d'orge, qui signifient des garçons, et en observant avec la plus grande attention comment ses grains se réunissent ou se séparent.

D'autres jettent à minuit dans l'eau trois feuilles marquées qui désignent le père, la mère et la fille. La feuille qui s'engloutit la première annonce la mort de la personne qu'elle désigne [102]. A Huy on célébrait jadis ce jour-là une fête libre pour « tous allants et tous venants » en commémoration de la dédicace de l'église du Neufmostier [103], qui eut lieu le 21 septembre 1133.

Cette fête commençait chaque année, la nuit qui précédait le jour de Saint Mathieu, dans le cloître du couvent et dans le champ attenant  l'église; elle durait huit jours et était appelée la « neuf feste, » nouvelle fête, par opposition à celle du vieux monastère. Mais en 1273, cette fête populaire, dont les joyeux ébats troublaient le sommeil des moines, fut rendue par eux avec toutes les franchises et tous les droits y attachés, aux échevins, aux jurés et à toute la communauté de la ville, et transférée à la nuit de Saint-Remi [104].

A Tronchiennes on célèbre le même jour, la fête de Saint-Gérulphe, patron de cette commune. Ce Saint, que le peuple invoque surtout contre les fièvres, naquit à Merendré, village situé à deux lieues de Gand, dont Luitgilde, père de Gérulphe était alors seigneur. Dès sa première enfance, Gérulphe se distingua par sa piété. Un jour il se rendit à Gand avec une joie indicible pour y recevoir le sacrement de confirmation dans l'abbaye de Saint-Pierre; en retournant chez lui il passa près du sanctuaire de Marie, que Saint-Amand avait fondé à Tronchiennes, et demanda à son parrain qui l'accompagnait, la permission de saluer la Vierge. Il l'irrita même tellement par sa prière prolongée qu'en le revoyant, le parrain plongea son épée dans la poitrine de son filleul. Le jeune martyr eut à peine le temps de pardonner à son meurtrier et de demander à son père qui accourut en hâte pour recevoir le dernier soupir de son fils, que son corps fût enseveli près du sanctuaire de Marie et son bien donné à l'abbaye de Tronchiennes. Il mourut le 21 septembre 748.

Ses restes reposèrent toutefois quelque temps à Merendré et, tous les ans encore, on y a le soin pieux de joncher de fleurs le lieu de sa tombe. Les miracles se multiplièrent, quand ses reliques furent transférées à l'abbaye.

La confrérie qui y est érigée en l'honneur de la Vierge et de Saint Gérulphe, comptait en 1561 plus de deux mille membres. Renouvelée en 1629, elle fut favorisée par Urbain VIII de beaucoup d'indulgences, surtout pour la célébration de la fête du saint qui a lieu le 21 septembre [105].

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22 septembre.

(Boletus arborens.) Saint Maurice, patron des teinturiers,
auquel vingt-trois églises sont consacrées.


On ne sème pas de froment le jour de sa fête, car il ne tarde pas à roussir [106].

A Gand, les Bénédictines anglaises célébraient l'anniversaire de la fondation de leur couvent, qui eut lieu en 1623.

Les religieuses étaient venues de Bruxelles, et fournirent, à leur tour, des sujets au couvent d'Ypres, qui existe encore aujourd'hui et qui est connu sous le nom de maison des dames irlandaises. Le religieuses s'y sont vouées avec succès à l'éducation [107].

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23 septembre.

(Aster dumotus.) Saint Lin; sainte Thècle.


A Bruxelles, commencent ce jour les fêtes dites « de Septembre » qui illustrent chaque année l'anniversaire de la révolution de 1830.

Un service funèbre, célébré avec la plus grande solennité dans l'église des SS. Michel et Gudule, en mémoire des citoyens morts pour la défense de leurs droits, ouvre les réjouissances qui durent quatre jours et dont le programme varie toutes les années.

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24 septembre.

(Agaricus fumetarius.) Saint Gérard; fête de Notre-Dame de la Merci
ou de la Rédemption des captifs.


Cette fête se célèbre en mémoire des bienfaits rendus au christianisme par l'Ordre de la Merci, dont les membres ont donné de nombreux exemples de dévouement héroïque.

Vers l'an 1200, les Sarrasins jetaient la terreur dans toute la chrétienté en réduisant en esclavage tout chrétien qui tombait entre leurs mains. Il se forma, le 10 août 1218, sous l'invocation et la protection de la Vierge, une association d'hommes qui se dévouèrent au rachat des prisonniers faits par les Musulmans. Ce fut l'ordre de la Merci ou de Notre-Dame de la Merci. Ses membres recueillaient des aumônes pour payer les rançons; lorsque l'argent venait à manquer, on vit plus d'une fois des religieux de cet ordre prendre eux-mêmes la place des esclaves, pour les faire jouir de la liberté [108].

Les vierges honorées sous le nom de Notre-Dame de la Merci dans l'église paroissiale d'Eecloo, dans l'église Saint-Jean de Malines, dans l'ancienne collégiale Notre-Dame de Namur et dans l'église Saint-Quentin de Tournai rappellent encore aujourd'hui le souvenir de cette pieuse institution [109].

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25 septembre.

(Boletus bovinus.) Saint Firmin, évêque,
auquel quatre églises sont consacrées.


A Louvain, les Chartreux faisaient depuis 1524 les vigiles de la messe solennelle de requiem pour Philippe le Bel; ils devaient les célébrer, pendant 60 ans, le 26 septembre, conformément à la condition sous laquelle Charles-Quint leur remit en 1524 le restant d'une somme qu'ils lui devaient.

Le couvent des Chartreux fondé en 1474 et richement doté en 1489 par les libéralités de Marguerite, veuve de Charles le Téméraire, de Marie Madeleine de Hamal, veuve de Guillaume de Croy, et de plusieurs autres personnes fut supprimé par Joseph II et servit depuis de magasin. Mais, en 1793, quelques caissons de poudre y sautèrent et endommagèrent les bâtiments à tel point qu'ils ne ressemblent plus qu'à une ruine [110].

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26 septembre.

(Solidago gigantea.) Saint Cyprien; sainte Justine.


A Tournay, se célèbre la fête de Notre-Dame de la Victoire.

En 1340, une guerre ayant éclaté entre la France et l'Angleterre, la ville de Tournay se vit bloquée par une armée de 120,000 hommes commandée par Édouard, roi d'Angleterre, les comtes de Hainaut et de Juliers, le duc de Gueldre et Jacques Van Artevelde; les habitants portèrent les clefs de leur ville dans l'église de Notre-Dame et invoquèrent la Vierge pour qu'elle les délivrât des ennemis qui les assiégeaient depuis quarante jours. Leurs prières furent exaucées.

Bien que les Tournaisiens fussent tellement à bout de provisions qu'à peine il leur restait des vivres pour trois jours, le siége fut levé subitement.

Le mardi après la fête de saint Mathieu se tient à Ath une foire durant laquelle « nulz manans dudit pays d'Haynaut n'y pourroit estre retenus n'y arrestez pour delites, ne fut que le débiteur se fut obligé durant la dicte foire. » Ce privilége avait été octroyé par le duc Albert de Bavière, comte de Hainaut, l'an 1368 et confirmé l'an 1450 par le duc Philippe de Bourgogne. Un aigle dressé sur le marché indiquait la durée de ce franc marché.

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27 septembre.

(Aster multiflorus.) Saints Côme et Damien, patrons des coiffeurs,
barbiers et chirurgiens.


A Vilvorde, le métier des barbiers ou chirurgiens ne fut organisé que par une ordonnance du magistrat en date du 5 mai 1688 [111]. Celui de Bruges est beaucoup plus ancien, puisqu'il fut obligé, dès l'an 1334 de se pourvoir d'une fosse à sang plus large. D'après les statuts de leur métier, il était défendu aux barbiers de raser ou de tondre le jour ou la veille d'une fête. Aux repas communs que les barbiers de Bruges donnaient le jour du Saint-Sang et le jour de leur fête patronale, chaque assistant devait payer, suivant une ordonnance de l'an 1517, six gros; celui qui n'y prenait pas part, trois gros ou « grooten » [112].

Outre les chapelles que dans les différentes villes, les métiers des barbiers ont dédiées à leurs patrons, il y a cinq églises consacrées aux saints Côme et Damien.

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28 septembre.

(Solidago sempervirens.) Saint Wenceslas;
Fête de dédicace de Notre-Dame de Cambron dans le Hainaut.


A Nivelles, la veille de saint Michel, on bénissait, après l'office, dans l'église de Sainte-Gertrude, des bâtons peints en couleur que la plus jeune des chanoinesses distribuait ensuite aux autres chanoinesses, aux chanoines, au magistrat et à quelques personnes assistant à l'office. Quand la distributrice était dans la première année de ses vœux, les bâtons étaient ornés de rubans et de cocardes [113].

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29 septembre.

(Aster tradescanti.) Saint Miche!.


L'archange saint Michel, « præpositus paradisi » le préposé du paradis, comme on le nommait déjà dans les premiers siècles de l'Église, est très-vénéré en Belgique. Les villes d'Anvers, de Brée, de Bruxelles, de Namur, de Neufchâteau, de Roulers, de Thourout et de Waulsort l'honorent comme leur patron [114]  ; quarante-huit églises lui sont dédiées, et plusieurs associations l'ont pris pour patron. Dans l'origine, l'Église célébrait deux fêtes en son honneur  : le 15 mars et le 8 mai. Le concile de Mayence, en 813, en institua encore une troisième fixée au 29 septembre. La première fête perdit bientôt de son importance, la seconde ne se maintint que dans les calendriers et les livres d'office, et la troisième devint la fête principale, d'autant plus que sa célébration tombait dans le temps jadis sacré où les anciens Saxons faisaient leurs grands sacrifices [115]. C'est ce qui explique aussi le grand nombre d'idées et de pratiques populaires qui s'attachent encore à la Saint-Michel.

Les filles mêlent des noix évidées, mais soigneusement refermées avec des noix pleines; puis, fermant les yeux, elles en prennent une au hasard. Celle qui en tire une pleine aura bientôt un mari, car c'est saint Michel qui donne les bons maris [116].

Les paysans ouvrent ce jour les noix de galle ou le gui, pour présager l'année à venir. Quand elles sont pleines et saines, l'année sera abondante en tout ce qui est nécessaire pour la vie, lorsqu'elles sont vides et humides, l'été sera humide et froid; quand elles sont maigres et sèches, le contraire aura lieu. S'il s'y trouve une araignée, une mouche ou des vers, l'année sera malheureuse, médiocre ou bonne. Quand on n'y trouve rien, il faut s'attendre à ce que l'année sera féconde en désastres.

D'autres prétendent que l'araignée ou « spinnekop » annonce des épidémies, la mouche la guerre, les vers la cherté. Lorsque les noix de galle sont en grande quantité, il faut s'attendre à beaucoup de neige et à un hiver prématuré.

 Les vignerons observent avec une grande attention les frimas qui se déclarent avant la Saint-Michel, parce qu'ils les supposent en relation avec les gelées de mai. S'il gèle trois ou quatre semaines avant la Saint-Michel, il gèlera trois ou quatre jours avant la Saint-Philippe; si le froid se prononce trois ou quatre jours avant la Saint-Michel, il est incontestable que les gelées de mai nuiront aux vignobles [117].

L'usage de manger ce jour-là une oie, usage qui subsiste encore en Angleterre, a tout-à-fait disparu en Belgique. C'est chose naturelle du reste, puisque les oies, que les anciens Belges, après les conquêtes de César, conduisaient par troupeaux jusque sur les marchés de Rome sont devenues, au moins en Brabant, extrêmement rares. La coutume des gâteaux, qui se mangeaient à la Saint-Michel, s'est conservée en quelques localités de la Flandre; les enfants y trouvent, le matin, de petits pains blancs, appelés « vollert » sous leurs oreillers [118].

En plusieurs endroits le jour de saint Michel était la fête de la récolte, fête qui était exclusivement religieuse. Mais l'idée d'une fête générale de la récolte s'étant perdue dans l'église belge, il n'existe plus que quelques réjouissances à la fin de chaque récolte, soit de blés, soit de pommes de terre, qui dépendent entièrement du bon vouloir des propriétaires ou des fermiers [119].

En Brabant, par exemple, on célèbre communément une fête des pommes de terre, appelée « pataten feest. » Au moment où la dernière tige est arrachée, on entend tout-à-coup un bruit étourdissant que font les laboureurs en choquant leurs sabots les uns contre les autres jusqu'à ce que l'on ait tiré quelques coups de fusil.

La soirée est consacrée à un souper splendide qui se compose de stockfisch avec des pommes de terre, de lait doux avec du pain de froment et de riz au lait; le repas fini, on s'amuse à divers jeux populaires.

La moisson de blé terminée, le dernier chariot est d'habitude décoré d'un grand mai, et suivi de tous les faucheurs et de toutes les faucheuses, qui l'accompagnent en chantant jusqu'à la métairie, où les attend un repas, que dans le pays de Limbourg, on appelle « haaseete, » repas du lièvre.

Dans les villes, le jour de saint Michel donnait et donne encore aujourd'hui lieu à plus d'une solennité.

A Bruges, la Société royale de Saint-Sébastien, célèbre par un grand banquet sa fête de « Septembre » à l'occasion de la clôture du tir aux oiseaux à la perche et de la reprise du tir au but.

A Bruxelles, sortait la quatrième procession solennelle, à laquelle devaient assister tous les métiers. Lors du grand festin qui, après la procession, se donnait à la maison communale, le chef-doyen des escrimeurs couvrait la table, car saint Michel, que les Écritures nous représentent comme un fort lutteur qui combat pour la gloire de Dieu contre le dragon infernal et les anges rebelles, était le patron du serment des escrimeurs à Bruxelles, comme presque partout ailleurs. Ce privilège valait tous les ans à la Compagnie, la somme de soixante florins [120].

A Liége ce sont les pâtissiers, les tapissiers, les tailleurs et les balanciers qui célèbrent à la saint Michel leur fête patronale.

A Louvain se faisait encore, au siècle dernier, une procession des plus singulières en l'honneur de l'archange. On y portait son image depuis la paroisse qui lui est dédiée jusqu'aux remparts de la ville; à chaque station on la tournait de tous les côtés, et les assistants presque tous paysans des environs, criaient à tue-tête  : « Saint Michel daignez jeter un regard favorable sur mes navets. » Un curé de saint Michel manqua un jour d'être précipité des remparts par ces fanatiques pour avoir blâmé leur zèle bruyant. Après la procession les confrères de saint Michel se rendaient au cabaret et rarement la journée finissait sans querelles et sans contusions [121].

A Nivelles avait lieu, une procession, dans laquelle les assistants portaient des bâtons bénits et distribués la veille; elle sortait à cinq heures du matin, et se rendait hors de la ville à une ferme appelée « le chapitre, » où on servait un excellent déjeûner froid, auquel pouvaient participer les étrangers et toutes les personnes liées avec les chanoinesses. La république française supprima l'abbaye et la procession [122].

Aux trois Fontaines, hameau voisin de Vilvorde, on célébrait autrefois une kermesse très-fréquentée. On y donnait des bals, où les habitants de Bruxelles se rendaient en grand nombre, les uns en voiture, les autres en barque; les auberges et guinguettes du lieu offraient l'aspect le plus animé.

La belle fontaine, qui donna son nom à l'endroit et qui a été démolie, il y a quelques années, fut placée, en 1565, aux frais de la ville de Bruxelles; elle se composait d'une colonne, surmontée d'une statue de saint Miche!. Quatre jets d'eau jaillissaient de la colonne et s'élançaient dans autant de bassins autour desquels régnait une balustrade de fer [123].

A Goyck, commune du canton de Lennick, à quatre lieues de Bruxelles, se payait autrefois la redevance due pour la coursuerie, (curieservitus), cens analogue à la hofhongerye de Lennick, et qui plus tard porta le même nom.

Le laïque qui sous la dénomination singulière de coursiers ou cour-serf de l'église de Nivelles (curieservus ecclesiæ Nivellensis), possédait à titre héréditaire, ce cens, dont le nom ne se trouve nulle part ailleurs, avait la charge de percevoir toutes les redevances que le chapitre de Nivelles prélevait à Goyck, et, en retour, il lui livrait annuellement 91 muids de blé et 97 muids d'avoine. S'il était en retard pour les payements, le chapitre pouvait envoyer des délégués à Goyck, et faire lui-même percevoir le blé et l'avoine dus par ses métayers; si, à la saint André, ceux-ci ne s'étaient pas exécutés, le « coursiers » devait « tant faire » que le payement eût lieu; il ne pouvait prélever, pour son compte, aucun cens ni aucune rente aussi longtemps que le chapitre n'était pas satisfait.

Au quatorzième siècle, la « hofhongerye » de Goyck fut acquise par les seigneurs de la paroisse, qui la tenaient en fief du prévôt de Nivelles [124].

A Zele, près de Termonde, se tenait autrefois une foire célèbre dans tout le pays pour les beaux chevaux, et la quantité de lin qui s'y vendaient [125].

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30 septembre.

(Amaryllis aurea.) Saint Jérôme.


Dans plusieurs villes, entre autres à Mons, les vanniers (« Manderliers » en wallon) chôment ce jour leur fête patronale [126].

A Saint-Hubert on célébrait autrefois la Translation des reliques de saint Hubert, fête qui ne s'est maintenue que dans le bréviaire.

A Saint-Nicolas les Hiéronymites ou Jéronimites chôment la fête de saint Jérôme, dont ils portent le nom. Leur ordre, qui fut fondé en Espagne vers la fin du quatorzième siècle, ne possède en Belgique que cette seule communauté, dont les membres s'occupent de l'instruction des pauvres et du soin des orphelins.

Le vendredi avant le premier octobre s'appelle « koude vrydag, » vendredi froid, probablement par rapport aux anciennes fêtes du « winterdag [127]. »

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[1]      En France on faisait autrefois passer un enfant malade du mal de saint Gilles dans la chemise de son père, et on portait ensuite cette chemise sur un autel du saint (Liebrecht, O.J, p. 240).
[2]      Coremans, p. 87.
[3]      H.d.E.d.B. , t. I. pp. 44-48.
[4]      Coremans, p. 34.
[5]      H. d. E. d. B., t. I, p. 365.
[6]      Wodana, p. 203.
[7]      Maestertius p. 105.
[8]      Maestertius, pp. 37-86.
[9]      Het leven, doodt ende wonderheden van de salige fiere Margareta van Loven, Loven - Piot, pp. 56-57.
[10]    G.d.V.e.A., t. I, 28-29, 324-328.
[11]    G.d.V.e.A., II, 251.
[12]    Bovy, II, 48-9. Wolf, N. S., p. 286.
[13]    G.d.V.e.A., I, 42-43; - Bovy, II, 80; Wolf N.S., p. 227.
[14]    De Reume, pp. 161-162. - Vinchant, Annales du Hainaut, t. III, 136.
[15]    Historie van O. L. V. van Halle, pp. 61-62; De Reume, p. 135.
[16]    Par « keers « on comprenait une perche artistement travaillée et ornée à laquelle étaient suspendus les instruments et les produits d'un métier; c'est ainsi que les maçons y suspendaient un équerre, une truelle, compas, etc., les cordonniers y pendaient des souliers, les jardiniers avaient une chapelle dans laquelle étaient Adam et Eve avec le serpent tenant une pomme dans la gueule. On y voyait suspendus des asperges, des carottes, des pommes de terre, etc.
[17]    Genèse, ch. 15, v. 1-9, ch. 21-22.
[18]    Gen., ch. 24.
[19]    Gen., ch. 29-35.
[20]    Gen., ch. 30-35.
[21]    Gen., ch.  38.
[22]    Gen., ch. 41, v. 45.
[23]    Gen., ch. 41. v. 50-51
[24]    Exod., c. 15. v. 20.
[25]    Nom., 12, v. 1.
[26]    Exod ch. 4, v. 25.
[27]    Jos., ch. 2, v. 1.
[28]    Jos., 15, v. 16-17.
[29]    Jug., ch. 4, v. 4-5.
[30]    Jug., c. 4, v. 21.
[31]    Jug., c. 9, v. 53-54.
[32]    Jug., c. 13., v. 3.
[33]    Ruth., c. 1, v. 3-13-14-20.
[34]    Ruth , c. 1, v. 3-4.
[35]    Samuel, l. 1, ch. I, v. 6-7.
[36]    Mical n'était pas fille de Saül, mais femme de David.
[37]    Samuel, l. 1, ch. 19, v. 14.
[38]    Samuel, l. 1, ch. 25, v. 18.
[39]    Sous le nom de « verwer » on comprenait ceux qui teignent les étoffes et ceux que l'on nomme aujourd'hui « peintres en bâtiments. »
[40]    Samuel, l. 2, ch. 15, v. 12.
[41]    Samuel, l. 2, c. 20, v. 21.
[42]    Rois, l. 1, c. 1, v. 10.
[43]    Rois, l. 1, c. 1, v. 2-3.
[44]    Rois, l. 1, c. 17, v. 10.
[45]    Rois, l. 2, c. 4, v. 1-6.
[46]    Rois, l. 2, c. 4 , v. 29-34.
[47]    Voir l'histoire de Justin, c. 10.
[48]    Tob.,c. 6.
[49]    Dan., c. 13.
[50]    Judith, c. 33, v. 12.
[51]    Esth., c. 4-5.
[52]    Mach., I. 2, p. 7.
[53]    On dit qu'en l'an 500, le duc de Brabant, Charles Nason (héritier d'Austrasius Brabon) avait une fille appelée Veraia, qui épousa Haymon, seigneur des Ardennes, et en eut quatre fils Renaud, Roger, Olivier et Adalard.
[54]    Ornement en drap écarlate que le maïeur portait sur ses épaules, espèce d'écharpe.
[55]    Piot, 15-23.
[56]    B.M., p. 186.
[57]    Salgues, I, 151.
[58]    Le couvent fut transféré, dans le douzième siècle, à Grammont, où il prit plus tard le nom d'abbaye de Saint-Adrien.
[59]    De Smet, M.d.M., pp. 320-322; De Smet, pp. 101-102.
[60]    Maestertius, p. 38.
[61]    Coremans, p. 87.
[62]    D.d.O.I., 428.
[63]    B.M., p. 188.
[64]    De Reume, p. 18-20.
[65]    De Smet, M.d.M., pp. 144-146.
[66]    V. 7 mai.
[67]    De Reume, pp. 14-17.
[68]    Schayes, p. 205; De Reume, pp. 320-321.
[69]    H.d.E.d.B., t. II, 322-323.
[70]    De Smet, M.d.M , pp. 322-324.
[71]    De Smet, pp. 19-30; O.-L.-V. van Lebbeke by Dendermonde, t' Antwerpen; Maestertius, p. 128.
[72]    De Reume, pp 48-51; H.d.E.d.B , t. I, 266-272.
[73]    De Smet, M.d.M., pp. 258-259.
[74]    Van Alkemade, t. II, 16.
[75]    De Reume, pp. 386-387.
[76]    De Reume, pp. 354-355.
[77]    De Smet, M.d.M., pp. 280-282.
[78]    De Reume, pp. 175-176.
[79]    B.M., p. 187.
[80]    De Reume, pp. 123-126.
[81]    Gazet, p. 328.
[82]    A.d.l.S.d.E. de Bruges, 1850, p. 200; H. Vandevelde, p. 24.
[83]    Les « maren » (en anglais « nightmare»  ; en français cauchemar »; en allemand mähre, alp »; en polonais « mora «; en tchèque « müra «), sont très-redoutés des populations flamandes. Elles se jettent sur l'homme endormi et cherchent à l'étouffer. On a soin en Flandre de ne pas placer ses sabots de travers devant le lit avant de se coucher, de crainte d'être monté « bereden » par la « mare. »
[84]    Coremans, p. 68.
[85]    Schayes, p. 205.
[86]    Historie van O.-L.-V. van Halle, pp. 58-59.
[87]    H.d.E.d.B., t. II, 669-670.
[88]    Histoire originelle du Saint-Sang de Miracle arrivée au Bois-Seigneur-Isaac, par J. Bernard. Bruxelles, 1789.
[89]    H.d.E.d.B., t. I, pp. 17-21.
[90]    Cornet, p. 156.
[91]    Les damoiseaux de la Confrérie de Notre-Dame relevaient « la fierte » qu'ils portaient à la procession, d'une belle et riche couverture qu'ils renouvelaient chaque année et qu'ils laissaient à MM. du chapitre. Mais ce don annuel devenant trop onéreux, ils entreprirent, du consentement avec le chapitre, en 1510, de faire fabriquer une couverture en images d'argent qui servirait toujours. Chacun donna une image de son patron en argent massif, dont on couvrit la fierte. - Cette riche enveloppe dura jusqu'à la première invasion de Français en Belgique.
                Les damoiseaux, dont la compagnie qui était dans l'origine de soixante-dix hommes fut réduite à soixante, et qui ne manquaient jamais d'assister tous à la procession, étaient très-soigneux sur le chapitre de leur toilette qui consistait en robes de drap brodé, blanches, violettes, vertes, écarlates, rayées, semées de fleurs de soie ou d'autres ornements. Tous les dix ans ils renouvelaient leur costume et adoptaient une couleur quelconque avec des broderies différentes, tantôt en soie, tantôt en or ou en argent.
                Lorsqu'ils marchaient en corps ils portaient toujours une verge blanche et un chaperon de roses ou d'autres fleurs; chacun devait avoir une médaille de N.-D., représentant un soleil passant sur la lune, toute d'or, du poids d'une once.
[92]    Lorsque le 2 août 1566, Reubs à la tête de quatre cents gueux entra dans l'église de Notre-Dame pendant qu'on chantait les matines, ce furent les canonniers seuls qui par leur bravoure sauvèrent l'église et chassèrent les gueux hors de la ville. En récompense le chapitre gratifia cette compagnie d'un présent annuel de vin et d'argent et du privilège d'entrer dans l'église la veille de la procession communale et le lendemain avec leur roi, leur connétable, leur capitaine sous les armes, enseigne déployée et tambour battant, à la suite des doyens.
[93]    Dans les confréries, outre l'image du patron, placée ordinairement au-dessus de l'autel ou dans quelque niche et qu'il est impossible de transporter, il y en avait une seconde de moindre dimension que chacun des confrères était tenu, à son tour, de conserver chez lui pendant un an; chaque année, au retour de la fête, cette image était déposée sur la table des trésoriers ou receveurs de la confrérie dans la nef de l'église ou même dans le vestibule; afin qu'elle ne fut pas portée rustiquement par les rues, on avait un bâton orné et embelli selon le goût du temps,au bout duquel on l'élevait au magnificat des vêpres lorsqu'on récitait le verset « Deposuit potentes de sede ». Celui qui avait rapporté le bâton sortait de charge et à ses paroles « et exaltavit humiles » on mettait en place celui qui devait garder l'image et le bâton durant l'année.
                Cet usage du « deposuit» est très-ancien  : l'évêque de Paris, Eudes de Sully, n'osant l'abolir tout à fait, se contenta de lui assigner certaines bornes et de prescrire que le verset deposuit serait dit tout au plus cinq fois.
[94]    Clément, t. Il, 149-158.
[95]    Arnoldus Wionius, lib. 5. Ligni vitae p. 22.
[96]    Bovy, t. I, 192-3; La Meuse belge, p. 220.
[97]    Coremans, p. 87.
[98]    H.d.E.d.B., t. I, 22-23
[99]    De Reume, pp. 229-230.
[100] Diest, I, 254
[101] Bowenst, II, p. 129
[102] Coremans, p. 31, 87, 88, Wolf, II, 372.
[103] Cette église du Neufmostier, dédiée au Saint-Sépulcre, jouissait jadis d'un privilège assez singulier; tous ceux qui, ayant fait vœu de faire le pèlerinage de Jérusalem, ne pouvaient, faute d'argent, de temps ou par tout autre empêchement physique, s'acquitter de leur promesse, avaient en vertu d'un bref octroyé par le patriarche de Jérusalem et les chanoines du Saint-Sépulcre, la latitude de s'acquitter dans cette église, avec jouissance pleine et entière de toutes les grâces attachées au pèlerinage (a).
(a)   Gorrissen, p. 76.
[104][104]    Gorrissen, pp. 75-76.
[105] Het Leven en de Miraekelen van den heyligen en glorieusen Martelaer Gerulphus, patroon van de vermaerde prochie van Dronghen. Gent, 1813. De Smet, M.d.M., pp. 17-19.
[106] Coremans, p. 88; R. P , IV, 22.
[107] B. M., p. 198.
[108] Cornet, pp. 249-250.
[109] B.M., p. 166.
[110] Piot, pp. 254-255.
[112] Gaillard, pp. 173-178.
[113] Schayes, p. 155.
[114] Piot, T.A., p. 10.
[115] Wolf, I, pp. 32-38.
[116] Coremans, p. 88.
[117] Tuinman, O. V., p. 9; Coremans, p. 89.
[118] Schayes, L.P.B., t. I, 149; Coremans, p. 34.
[119] Wolf, I, pp. 32-38.
[120] Wauters, L.a.S., p. 36.
[121] Schayes, p. 169.
[122] Schayes, p. 155.
[123] H.d.E.d.B., t. II, p. 528.
[124] H.d.E.d.B., t. I, 253-254.
[125] Maestertius, p. 124.
[126] Hachez, F. P., à Mons, p. 25.
[127] Coremans p. 64.

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